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Critique de Musa_aka_Cthulie


Pour ceux qui ne connaîtraient pas les ABCdaires de Flammarion, il est besoin de savoir que, en dehors du classement d'entrées par ordre alphabétique (ici, par exemple "Pays-Bas", "Genre", "Astronome"), il existe aussi trois grandes thématiques, reconnaissables par un code couleur, et que chacune des entrées est rattachée à l'une des trois thématiques ("Pays-Bas" est donc rattachée à la thématique du contexte, "Genre" à celle de l'entourage, "Astronome" à celle des oeuvres). Comme je suis un peu psychorigide, je ne lis jamais au hasard les entrées des ABCdaires Flammarion, mais dans un ordre assez précis, en suivant les thématiques, parce que ça me semble beaucoup plus logique (c'est mon côté vulcain, comme chez Spoke) : donc, pour un artiste, je lis les entrées du contexte le plus large à l'analyse la plus fine d'une oeuvre. En gros.

Problème pour L'ABCdaire de Vermeer : je trouve qu'il manque beaucoup de lisibilité. Ainsi, dans la thématique du contexte, on trouve à la fois les courants esthétiques, les pratiques picturales et le cadre historique, ce qui amène à placer dans cette même thématique des entrées telles que "Pays-Bas" (j'y tiens décidément), qui relève du contexte historique, et "Lumière", qui relève de l'analyse de l'oeuvre de Vermeer. C'est très curieux, et ça ne permet pas aux esprits de type vulcain d'avoir une vue logique de l'ensemble. D'autant que dans la thématique des oeuvres, on retrouve deux sous-thèmes : les sujets du peintre et l'analyse du style. Pour moi, il y a là quelque chose d'aberrant : "Lumière" devrait se retrouver dans la thématique des oeuvres. Oui, mais si c'était le cas, il n'y aurait plus grand-chose dans la thématique du contexte, car le cadre historique est un sous-thème très peu traité... Seule la thématique de l'entourage (pas forcément bien nommée, mais bon), avec les sous-thèmes des peintres, des érudits et de la famille, se tient.

Le fait que le cadre historique soit très peu évoqué est pour moi un gros problème. Avant de s'attaquer à la peinture hollandaise et à Vermeer, l'histoire des Pays-Bas mérite d'être évoquée plus qu'en passant, vu que je doute qu'un lectorat français n'ayant pas suivi des études d'histoire, ou d'histoire de l'art (et encore), soit bien au courant de la guerre entre l'Espagne et les anciens Pays-Bas bourguignons, qui donna naissance aux Provinces-Unies, ou à la République des Pays-Bas, ou aux Pays-Bas tout court... C'est bien simple, je ne sais même pas quel nom il faut donner à cette jeune nation née au XVIème (ou au XVIIème, si on s'en tient au traité de Münster). Évidemment il n'est pas impossible de saisir l'intérêt de la peinture de Vermeer sans en passer par là, mais d'une part, ça a son utilité (notamment lorsqu'on constate que les tableaux de Vermeer et des autres peintres hollandais présentent bien souvent des cartes des Pays-Bas dans les scènes d'intérieur), et d'autre part, parce que les ABCdaires prétendent traiter du cadre historique de leur sujet. Or, ici, c'est traité plus que vite fait. Idéalement, il aurait fallu reproduire au moins une carte des Pays-Bas au temps de Vermeer, voire une autre de la Hollande, que le lecteur sache déjà où se situe Delft, la ville de Vermeer. Donc, on ne comprend quasiment rien au cadre historique, qui est survolé. Je me demande d'ailleurs combien de lecteurs savent ce qu'est un stathouder (ce qui n'est pas expliqué)...

Je le disais, en revanche la thématique de l'entourage est bien traitée. On se frotte aux nombreux peintres qui ont été contemporains de Vermeer, dont il a plus ou moins subi l'influence, pour certains d'entre eux, et selon les périodes de sa vie. Ce qui n'est pas du luxe, parce qu'ils furent nombreux, les bougres, et qu'ils apportèrent des manières et des concepts différents selon leurs personnalités ou leur appartenance à un mouvement, ou encore à cause de leur spécialisation dans un genre précis ; c'est développé ici, bien que pas tout à fait suffisamment à mon goût, mais il est important de savoir qu'il y eut en Hollande, au XVIIème, des peintres de vaches, comme de fleurs, de ports, de tavernes, etc. Et il me semble que cette spécialisation, qui peut sembler excessive, est un cas exceptionnel das l'histoire de la peinture. D'ailleurs, un des auteurs de cet ABCdaire n'hésite pas à pointer de doigt l'aspect commercial d'une telle pratique, et l'édification en système de certaines manières, certaines thématiques (on sait que tous les musées du monde sont largement dotés de natures mortes des Pays-Bas du XVIIème), et l'appauvrissement de la qualité de la pratique picturale à force de reprendre les mêmes procédés. Ceci en relation avec le marché de l'art, la bourgeoisie et la religion dominante, qui amenèrent les peintres à abandonner la peinture d'histoire : tout ça est très bien expliqué.

On peut par conséquent être un rien frustré par l'analyse rapide et pas toujours très fouillée de certains de tableaux de Vermeer. Autant La Dentellière me semble plutôt bien décortiquée, autant d'autres oeuvres mériteraient davantage d'attention. Et il est étonnant de se rendre compte que, finalement, c'est dans les entrées rattachées au contexte que la peinture de Vermeer est la plus finement analysée : composition, lumière, couleur, symbolisme des toiles. Lorsqu'il est question d'une oeuvre en particulier, on comprend beaucoup moins l'aspect novateur de la peinture de Vermeer, voire pas du tout. Comme j'ai terminé ma lecture (vulcaine) par les entrées rattachées à la thématique des oeuvres, j'avais quasiment le sentiment que Vermeer faisait partie, tout comme beaucoup d'autres, de ces peintres qui ne se souciaient que de plaire à leurs acheteurs en peignant des scènes moralisantes. Or, il est bien plus que cela, comme c'est démontré dans d'autres entrées.

En conclusion, je trouve cet ABCdaire plutôt mal fichu, peu cohérent dans son ensemble, avec nombre de "fausses" entrées qui renvoient à d'autres entrées (comme c'est pénible de tomber sur "Reflets vermeeriens" et de se voir renvoyer automatiquement à "Lumière" ! Et ça arrive constamment pendant la lecture...), même si le contenu n'est pas inintéressant. Et l'image qu'on nous y donne de Vermeer est loin d'être évidente à cerner. Je me suis d'ailleurs aperçue, en comparant cet ABCdaire (qui date de 1996) à d'autres, que les ABCdaires Flammarion qui ont été publiés avant 2000 comportaient souvent le même manque de cohérence, alors que ceux d'après 2000 ont été organisés différemment. Ce qui n'est pas plus mal.
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