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Critique de Siladola


Par une coïncidence étrange, j'ai découvert , vingt ans après, que Martine Morillon-Carreau avait confié à la Librairie-Galerie Racine un recueil de poèmes intitulé Midis sans ombre et consacré pour l'essentiel à la Martinique. La même année, la même librairie-galerie, la même île où nous avions tenté de célébrer, sans nul doute, les mêmes tropicales extases, la poétesse publiait ces hommages flamboyants à la Caraïbe. A l'occasion de cette belle rencontre poétique, elle m'écrit si justement : "Il faut bien, lorsqu'une sorte de trop-plein d'être se manifeste et exige, que ses traces s'en matérialisent, s'incarnent."
Belle incarnation, en effet, que ces vers gravés d'une main ferme et comme destinés, dans la pierre, à résister aux éblouissements du soleil :

" Voici le sentier le soleil
il est midi sans ombre à la hampe jaune
de l'agave " ...

D'un seul jet, la suite poétique s'articule sur des refrains-charnière, où la réitération de vocables martèle les sensations jusqu'à les exprimer - les extirper de leur gangue. Ainsi le ciseau du sculpteur éclate et réduit la matière, en libérant la forme.

" Sans trêve soleil
L'ombre est de l'autre côté
Orgues de basalte

Questions des miroirs
Grand jeu orgues de basalte
Soleil proclamé "

Nombreux aussi les "poignards", sur "la mer lacérée" ; un motif obsédant parmi les leitmotive qui renforcent encore l'unité quasi-minérale du recueil. Cependant, les instances de la vie quotidienne, les objets, fleurs et plantes, épices, fruits, défilent dans un bel appareil bigarré que l'arrière-pays de pierres ne leste d'aucune pesanteur. Non, les vers quintessenciés de Midis sans ombre, quoique pris dans la masse d'une indépassable identité insulaire, ne laissent pas de musiquer légèrement. S'y déploient images, parfums, saveurs, des hommes et des femmes en couleurs, d'insectes- batraciens (les rainettes sonores des couchants martiniquais...) - pour louer la splendeur du jour sur les îles ou la :

" Nuit venant rapide
Un vol velours et stridences
Les chauves-souris "

Comme les paillettes de mica dans la roche, jouent ("cilice" / "silice") les reflets d'un lexique empruntant volontiers à la minéralogie ("jaspe", "calcédoine") ou à la botanique ("opuntia"). le dernier poème conclut sur une ouverture : celle de "la nuit qui s'apprête au parfum des fleurs". Il nous laisse sur la bienheureuse nostalgie de ces pays lointains, et de leur poésie immédiate.
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