AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Brooklyn_by_the_sea


Typiquement le genre de bouquin monstrueux dont on sort sonné (et il faut reconnaître que c'est bonnard).
Wahhch Debch découvre le cadavre abominablement mutilé de son épouse, et sa vie bascule dans la folie des hommes. Il se lance à la poursuite de l'assassin, non pour se venger mais pour s'assurer que ce n'est pas lui. Sa quête va le mener dans les réserves indiennes canadiennes, puis dans le Midwest et le Southwest américains, et bien plus loin encore, dans les confins de sa mémoire, de sa conscience, et de son existence. Particularité supplémentaire de cette quête : elle est racontée par des animaux.

Dès la première page, ce roman prend aux tripes ; normal, avec cette polyphonie animale qui parle au ventre sans passer par le cerveau, car au-delà des mots. Félins, canins, oiseaux, poissons, rongeurs, insectes, équidés... tous ceux qui ont aperçu ou croisé Wahhch relatent ses faits et gestes, et surtout ressentent et expriment son intense tristesse. J'ai été prise au dépourvu et bouleversée par la pureté et la bonté de ces témoins muets et souvent invisibles, qui ne jugent pas mais observent les hommes et compatissent à leur malheur. Pour autant, l'auteur ne dresse pas une fable écologique, et il n'oppose pas les uns aux autres -si certains représentants de l'humanité sont parfois désespérants de férocité, d'autres personnages sont d'une grâce bienfaisante.
En outre, j'ai été envoûtée par la poésie de Wajdi Mouawad, par son écriture mystique qui, par le biais animal, va à l'essentiel et se concentre sur la course des nuages, la couleur du ciel, la lumière du soleil, la chaleur de la terre, la fraîcheur de l'eau, l'odeur de l'herbe, et puis les regards qui révèlent et les émotions qui transpirent. C'est à la fois léger et grave, d'une beauté qui m'a profondément émue.
Enfin, il y a le récit en lui-même, dont la trame se dédouble tout en restant cohérente malgré ses rebondissements inopinés ; qu'importe, je suis restée emportée par l'histoire, tant l'auteur m'a donné envie d'y croire, et même si certains passages sont très durs, à la limite du supportable -comme le dit Wahhch : "Depuis que le monde est monde, le ciel n'a rien vu de plus bestial que l'homme."

C'est donc une expérience littéraire qui m'a laissée sur le derrière, et je salue l'audace de Mouawad, sa prise de risque à écrire quelque chose d'aussi fou et d'une façon aussi incroyable. N'hésitez pas à tenter l'expérience, vous aussi ; vous en sortirez forcément chamboulés (prévoyez quand même un coussin moelleux pour vos petites fesses).
Commenter  J’apprécie          5322



Ont apprécié cette critique (50)voir plus




{* *}