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Critique de DocIdoine


C'est plutôt convenable. Je pourrais multiplier les micro-critiques; mais ailleurs qu'entre spécialistes, ce serait aussi dénué d'intérêt que des piqûres de mouches sur la croupe d'une vache. Concentrons-nous par conséquent sur le positif. Mouthon s'inscrit dans une entreprise qui tend à se généraliser: la démystification de l'historiographie victimaire associée à un déplorable enseignement marxiste de l'histoire qui a exercé sur l'Université des dizaines d'années de terrorisme intellectuel.

Le travail de l'auteur consiste essentiellement à rappeler aux esprits déformés par l'endoctrinement idéologique des arriérés de l'Usine à gaz que la "lutte des classes", née de la Révolution industrielle, n'existait évidemment pas au moyen âge. Pour cette simple raison que la société n'était pas organisée en classes, mais en ordres (il s'agit, comme on sait, des fameux oratores, bellatores et laboratores: clercs, "chevaliers" - terme à prendre avec précaution - et producteurs).

Loin d'être les victimes passives de tyrans féodaux qui les "exploitaient" à la façon du patron capitaliste, les paysans, conscients de leur prépondérance numérique et de leur importance économique, se regroupaient en collectivités structurées pour défendre âprement leurs intérêts, et ils l'emportaient dans les transactions ou les litiges plus souvent qu'il n'y paraît.

C'est évidemment un coup de pied dans une construction historiographique dont les premiers échafaudages remontent à la révolution bourgeoise de 1789 et à la nouvelle élite qui, pour asseoir son pouvoir, a créé à rebours les notions de "féodalité" (le féodal, c'est mal!) et de "Lumières" (les Lumières, c'est super!) Ceci dit, la notion de féodalité avait son utilité; je pense qu'elle la conserve si on veut bien ne se représenter par là que la fortune d'une institution qui combinait la vassalité et le bénéfice.

Mais les "ténèbres" de la "féodalité" où le pauvre paysan était livré en pâture au méchant aristocrate, ce n'est pas sérieux. D'abord (ça, c'est moi qui le dis) parce que la notion de l'honneur (donc du devoir de justice) empêchait les seigneurs féodaux de faire n'importe quoi au risque de se voir mis héréditairement au ban de la société aristocratique, ensuite parce que (ça, c'est Mouthon qui le raconte) les sociétés rurales savaient défendre leurs intérêts contre la prédation des autres ordres.

Je suis évidemment d'accord. Mais il y aurait beaucoup d'autres choses à dire. Notamment sur la transition entre féodalité dégénérée (où les campagnes, démembrées, ont beaucoup souffert) et création de l'Etat (donc centralisation, urbanisation, etc.) sous Louis VI et Louis VII. Grosso modo, la thèse de Mouthon n'est pas mal. C'est toujours ça de pris.
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