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Critique de chrysalde


Comment exprimer tout le bonheur que j'ai ressenti à la lecture de ce livre ?
Je ne connaissais pas l'autrice, jamais entendu parler d'elle. Je n'ai pas été attirée par la couverture, chez P.O.L elles sont sobres. La quatrième de couverture annonce : la jeune artiste (celle du titre), c'est moi. Point.
Alors pourquoi ?
J'ai l'impression qu'il y a des textes qui ne sont là rien que pour nous, qui entrent parfaitement en résonnance avec ce que l'on vit, ce que l'on ressent, notre état d'esprit du moment.

Le texte, de 185 pages se divise en 3 grands chapitres sans que cela soit clairement indiqué.
Il s'agit d'une introspection sur le parcourt d'artiste de l'autrice, 30 ans depuis le jour où elle a pris le RER pour se rendre la première fois dans cette école d'art réputée, située à l'extérieur de Paris. Bien que ce ne soit absolument pas la destinée que lui préparait sa naissance dans une famille bourgeoise plutôt à droite, elle décide malgré tout de tenter le coup.

Durant les premières 40 pages, elle nous décrit l'état d'esprit dans lequel elle se trouvait le jour où, il y a environ 30 ans, elle a prit le RER pour aller présenter ses travaux, pour tenter de décrocher une invitation à présenter un concours d'entrée. Elle décrit avec grande minutie chaque instant du trajet, se remémore ses pensées, ses observations, ses craintes, ses doutes. Je me suis revue il y a 10 ans prenant le chemin pour Louvain-la-Neuve, UCL, allant passer un examen d'entrée pour tenter l'inscription à la FOPES. Tout est resté gravé dans ma mémoire, évidemment je n'y pense jamais, mais lire Valérie Mréjen a ravivé tous ces moments de plaisirs mêlés d'inquiétude, de stress, de découvertes, de sentiment d'importance et aussi d'illégitimité. Qui étais-je pour envisager entrer à l'université à presque 50 ans ?

Vient le temps de l'entretien, les phrases que l'on voudrait dire mais qui ne viennent pas, la sensation d'en dire trop ou pas assez, comment faire pour être convaincante sans être arrogante, ne pas être trop timide, mais suffisamment assurée …
Une fois que l'on sera admis, tout sera plus facile croit-on.
Le deuxième chapitre nous relate les années d'études, et même si l'on pensait que l'admission était le cap le plus difficile à passer, on se rend vite compte qu'il n'en est rien.

Arriver à être créatif, original, tout en étant accessible. Oser montrer ses oeuvres sans se prendre pour un vrai artiste mais tout en étant un petit peu reconnue … Les affres de la création, les doutes, les embûches, les moyens financiers dont on a besoin, les soutiens que l'on attend, qui sont promis mais qui n'arrivent pas. du vécu que l'on vit avec elle.

Quant à dernier chapitre, il relate la vie de l'artiste des années plus tard, elle participe à des expositions, elle reçoit des commandes pour certaines installations, elle a « réussi » … Elle observe avec un oeil acéré et une plume non dénuée d'humour les microcosmes que forment les vernissages d'exposition, tout cela est savoureux, magnifiquement bien écrit.

Depuis toujours je fréquente les expositions, les galeries, en amatrice lambda. J'ai pris énormément de plaisir à lire sa galerie de personnages qui fréquente ce genre d'endroits. Je m'y suis reconnue évidemment, celle qui y va par curiosité et intérêt pour « l'art » mais qui n'y connait pas grand-chose, qui ne connait personne, et qui reste là un peu en retrait, observant, analysant, détaillant, appréciant ou pas, parfois. En faisant attention de ne pas bousculer quelqu'un, de ne pas faire tomber une précieuse statuette, en essayant parfois une parole, un mot, une question, que l'on veut intelligente mais qui tombe à plat parce que l'artiste ne l'a pas entendu, ou parce que c'est la vingtième fois que la question lui est posée … Oui, mais nous on vient juste d'arriver …

Un texte tout à fait atypique, presque désincarné si elle n'avait pas précisé en quatrième de couverture que la jeune artiste c'est elle. Et c'est justement cet emplois du "on" ou du "vous" qui rend ce texte tellement impersonnel et par conséquent universel. Parce que quand elle écrit : « plus vous y pensez, moins vous osez », il peut tout aussi bien s'agir de la jeune artiste qui n'ose pas envoyer un exemplaire d'une oeuvre à proposer pour une exposition, que moi qui n'ose pas envoyer un travail d'analyse ou un début de texte de mémoire à mon promoteur, tant je me sens peu intéressante par rapport à cet érudit, universitaire, professeur.

J'ai aussi beaucoup pensé à mes amies artistes et lectrices. Je suis certaine qu'elles prendraient beaucoup de plaisir à lire cette description de la visite d'une papeterie, spécialisée dans la vente de matériel de dessin. le bonheur de toucher un grain de papier, d'observer les couleurs des crayons pastel, la difficulté de faire un choix tant tout est beau, tout est tentant, et tout est cher aussi. Et enfin, la crainte une fois le choix fait de ne pas arriver à sublimer les matériaux avec nos gribouillages si décevants.

En conclusion, une découverte enthousiasmante d'un texte tout à fait atypique mais diablement bien écrit, dont j'aurais envie de noter des passages entiers pour les relire à l'occasion, comme je prends plaisir à relire des scènes de vie minuscules à la Delerm. Les crayons de couleur de Valérie Mréjen sont les pivoines ou les artichauts de Delerm. Des petits rien qui sont si révélateurs quand on prend le temps de les observer, d'entrer en dialogue avec eux.
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