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Critique de horline


Bomarzo est une véritable parenthèse à la monotonie du quotidien, il vous transporte dans d'autres époques d'autres moeurs, loin des autofictions molles et vaporeuses.
La Renaissance du XVIe y resplendit d'hérésies baroques et de cruauté raffinée, Manuel Mujica Lainez nous promène entre la splendeur florentine, la volupté vénitienne et la solennité des ors romains avec une écriture classique d'une incroyable densité immersive. La galerie de personnages rencontrés ne manque pas d'offrir des tableaux de moeurs qui font mouche, on peut se sentir étourdi par la vanité, la férocité et l'opulence de ce monde.
Mais ces pages tiennent lieu avant tout d'autobiographie fictive.
Par un habile dispositif narratif, l'aristocrate Pier Francesco Orsini parcourt le labyrinthe de sa vie éclairé de sensibilité exacerbée collée à sa difformité physique et d'orgueil dynastique, d'ombres fantasques surgies de sa lignée prestigieuse et des fondations étrusques sur lesquelles repose le château de Bomarzo. Traversé par l'électricité d'une vie intérieure constamment attisée, il incarne à la perfection cet être meurtri et humilié pendant l'enfance qui n'a jamais su trouvé d'autres défenses que la prétention et une méfiance dévorante.
Toujours à flanc d'émotion, c'est un roman où l'égocentrisme et la frustration ne cessent de se heurter mais en goûtant à l'amer fruit de l'introspection rigoureuse, le narrateur lui donne une lucidité implacable.

Reste que cela ne dit rien de la fascination que suscite la construction imaginée par l'auteur. Dans cette fiction ample, précieuse, érudite, notre Orsini mal-aimé tient fermement les fils de la narration entre ses mains tout en s'amusant avec une temporalité singulière. En se prêtant à l'exercice autobiographique, la question métaphysique de la mort s'impose, comme à tout être humain, mais l'écrivain argentin a inventé une ruse pour domestiquer le sentiment du temps qui nous traverse, auréolant le texte d'une touche de mystère...

J'ai dévoré ce roman avec frénésie, la même qui accompagne les personnages de cette chimère, une fantaisie drapée dans un réalisme saisissant. En alchimiste averti, Manuel Mujica Lainez mêle toutes les matières réactives qui ont animé les riches familles séculaires comme les milieux d'affaire de l'époque, permettant à cette biographie de se déployer en-dehors d'elle-même et de projeter le narcissisme du rejeton Orsini dans un roman d'aventures palpitant.
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