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Critique de BazaR


— Driiiing !
— Allo ?
— Salut, c'est le petit diablotin de ton épaule gauche.
— Tu m'appelles depuis mon épaule gauche ?
— Naan, je suis en vacances, au frais dans le désert du Sahara
— C'est pour ça que je me sens léger je suppose. Si tu es en vacances, pourquoi tu m'appelles ?
— Ben je te rappelle qu'on doit jouer en duo pour une critique de théâtre. C'est dans mon agenda.
— Ah oui, la critique de Fantasio, c'est vrai. Tu joues le méchant contradicteur ?
— D'après toi ? L'angelot, il est sur ton épaule droite et il pionce tel que je le connais.
— Ok, c'est parti alors.
— Humm, humm ! Bon, alors, ça cause de quoi ta pièce ?
— C'est une comédie d'Alfred de Musset.
— Stooop ! « Comédie » et « Musset » sont inconciliables. Musset n'est pas un farceur, c'est un bonnet de nuit.
— Je te jure, c'est vendu comme une comédie. Et la forme, le premier degré, est plutôt légère. C'est l'histoire d'un bourgeois de Munich désargenté qui décide au pied levé de remplacer le bouffon du roi de Bavière qui vient de passer, et qui va tout faire pour sauver la fille du roi d'un mariage de raison avec l'affreux et stupide prince de Mantoue.
— Il n'y avait pas de princes à Mantoue, mais un duc.
— Tu chipotes là. Tu n'es pas très en forme.
— Hé, je suis en vacances je te rappelle. Laisse-moi le temps de m'échauffer. Bon, je parie que ta présentation tout en « légèreté » cache quelque chose.
— Il y a des scènes assez burlesques. Comme celle où le bourgeois-bouffon – c'est Fantasio – cueille la perruque du prince avec un fil et un hameçon ou quand le prince échange ses habits avec son aide de camp, coup classique au théâtre. Les nombreuses tirades de Fantasio sont amusantes… dans la forme.
— Aha !
— Quoi, « aha ! »
— Tu as hésité. Tu parles de premier degré, de la forme. Ça veut dire que le fond est moins marrant, pas vrai ?
— Ben… disons que le fond est plus sérieux. Musset utilise un peu Fantasio comme son héraut, l'interprète de ses pensées.
— Ouais, je vois. Il lui fait cracher son propre venin pas vrai ?
— Disons que l'histoire m'a l'air d'être un prétexte à l'exposition d'un grand nombre d'opinions qui égratignent. La mélancolie des jeunes de sa génération, qui suit la chute de l'Empire, apparaît clairement. J'avais une boule au ventre en lisant. Son dégoût du théâtre moderne à la Dumas et Hugo aussi s'exprime dans des sarcasmes. On le sent envieux de leur succès aussi, lui qui n'est pas beaucoup joué de son vivant.
— Oui, je vois le genre. Ouiiinn ! Pourquoi les auteurs minables ont-ils du succès et pas moi ? Un jour je leur montrerai que j'ai du talent.
— Non, ce n'est pas geignard. Mais on sent un peu le dépit.
— Bon, pour résumer, ton Musset est bien un bonnet de nuit pleurnichard et déprimé qui a mis un nez rouge pour raconter ses malheurs. C.Q.F.D, quod erat demonstrandum, belote, rebelote et dix de der !
— Ah, tu es chaud là ! le mélange de comédie et de pamphlet est plus réussi que ce que tu dis. Mais c'est vrai que c'est plutôt le côté grave qui a retenu mon attention. Il faut dire que j'ai été influencé par la préface que j'avais lu avant la pièce. On doit recevoir la pièce avec plus d'entrain si on ne fait pas ça.
— Si je n'avais pas été en vacances, je t'aurais incité à ne pas lire la préface et à plonger tout nu dans le texte. Ça t'apprendra.
— J'ai l'impression que l'angelot de mon épaule droite sourit, comme s'il t'avait joué un mauvais tour.
— L'enfoiré !
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