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Critique de Lucilou


Camille sort du couvent, Perdican vient d'achever ses études, leur enfance est derrière eux mais l'avenir leur tend les bras. Les deux cousins que leurs vieux barbons de pères voudraient marier ne se sont pas vus depuis dix ans et se retrouvent dans le château familial. Dix ans pour des enfants qui s'aimaient et s'aiment encore, ce n'est rien et c'est une éternité. Pourtant Camille et Perdican ne savourent pas longtemps la joie des retrouvailles et peinent à reconnaître et s'avouer leurs sentiments. Camille est la plus réticente: c'est qu'au couvent, elle n'a croisé que d'austères religieuses et des femmes tristes et pâles qui lui ont inculquée des principes incompatibles avec le mariage, la convaincant au passage que tous les hommes sont cruels, que l'amour n'est qu'une illusion et qu'on ne peut faire confiance ni aux uns ni à l'autre. Ainsi, et alors qu'elle se consume pour Perdican, la jeune fille, qui craint de souffrir de ce qu'elle ressent annonce à son beau cousin qu'elle veut entrer en religion. Ce dernier est non seulement fou amoureux de sa Camille mais il sent bien que cet amour est payé de retour aussi il décide de la rendre jalouse -le procédé vieux comme le monde!- en courtisant Rosette, la soeur de de lait de Camille.
Dans "On ne badine pas avec l'amour", l'amour est un jeu de dupes qui se joue d'abord à fleurets mouchetés avant que les masques ne tombent et que les lames ne blessent vraiment. Camille et Perdican s'aiment et se déchirent, s'embrasent et sont égoïstes comme tous les amoureux. Dans leur sarabande, ils entraînent Rosette puis l'oublient. Que de souffrances dans l'amour, que de blessures, de choses qui furent et qui ne seront plus...
Le drame commence comme une pièce de Marivaux, tout en séduction et légèreté. Même Beaumarchais n'est pas loin avec ce semblant de libertinage qui frôle le château. Peu à peu pourtant, la pièce glisse, s'enténèbre et met en scène la douleur qui va de par avec la passion, le sentiment tragique de la vie, la puissance de l'amour qui atteint son apogée lors de la scène de l'acte II: à Camille qui rêve d'absolu mais qui craint de souffrir, Perdican oppose dans sa sublime tirade l'idée que l'amour même est la seule justification possible et acceptable de l'existence. Une fois de plus donc Alfred de Musset s'érige en dramaturge de l'amour et des passions avec un romantisme exacerbé et un sens certain de la mise en scène. En effet, s'il convoque l'amour et ce que l'homme a en lui de plus noble dans "On ne badine pas avec l'amour", il met aussi en scène ce qu'il peut avoir de pire: l'orgueil. Cette fierté implacable qui contraint à taire ce qu'on éprouve vraiment, qui pousse à vouloir dominer l'autre pour ne jamais souffrir et qui inévitablement mène à la mort, réelle ou symbolique. Un hymne à l'amour sublime mais blessé, corrompu, malade, altéré, voilà ce qu'est "On ne badine pas avec l'amour". C'est incroyable d'intelligence, de désenchantement et de beauté. C'est Alfred de Musset.
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