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Critique de cprevost


Rouge et volumineux, il est un livre qui depuis quelques semaines me nargue sur mon bureau. Il fallait se décider à lire « Empire », le livre de Hardt et Negri si souvent cité. En attendant, la lecture de « Traversées de l'Empire » du même auteur – traversée au pas de course, quelques pages – ferait peut être l'affaire ?

La présentation de cet opuscule – relativement longue et détaillée en comparaison du reste – est pour le moins surprenante. C'est une sorte d'hagiographie de Negri qui rassemble tout ce qui peut constituer un confortable capital symbolique : « il rejoint des figures intellectuelles de qualité … il enseigne à … il se rapproche de … ». S'agissant d'une personnalité de l'alter mondialisme cela peut surprendre. Nous apprenons tout de même dans cette introduction qu'Antonio Negri a passé les années quatre-vingts, celle de la révolution libérale, dans les prisons italiennes. La vision « négrienne » du monde en serait-elle un peu altérée ?

Ce qui également ne manque jamais de me surprendre, c'est la propension de certains intellectuels à tout publier. Ils publieraient leur liste de courses – avec quelques remarquables et avantageux commentaires évidemment – si tant est qu'ils les faisaient. Etait-il bien nécessaire d'éditer ces cinq conférences prononcées aux quatre coins du monde ? J'ai très envie de répondre non et non ! Et ce n'est pas pour accabler le penseur que je méconnais, c'est tout au contraire pour le défendre. Si dans ce petit livre rien n'est vraiment démontré, si les concepts empruntés çà et là apparaissent comme plaqués, si tout semble contredire la plus évidente réalité, c'est qu'il s'agit d'un simple bavardage qui naturellement n'aurait pas dû être imprimé. Il y a des choses produites à la hâte, faites pour engager une conversation, qui manifestement ne résistent pas à une lecture attentive.

Sans évidemment nous attarder plus que l'auteur, reprenons quelques-uns de ses thèmes favoris. le nouvel ordre mondial, les nouvelles formes de production sont évoqués dans « Traversées de l'Empire ». Les thèses développées dans l'ouvrage, il faut bien le dire, ne sont pas vraiment neuves. Etonnamment, elles sont tout au contraire – depuis les dernières interventions étatsuniennes et la révolution numérique – rabâchées sans relâche par les médias.
La domination mondiale ne serait plus celle de plusieurs Etats-nations mais celle menée de concert par « une force monarchique » : les Etats-Unis et « des forces aristocratiques ». N'est-ce pas là l'antienne « seule super puissance » ? Et celà à l'heure de la montée des nationalismes, de la renaissance des particularismes religieux, des interventionnismes de toutes natures, de l'apparition d'une nouvelle super puissance … Mais, comme Antonio Negri, ne donnons aucun exemple.
Le travail qui crée des produits immatériels, aurait également émergé en place, tendanciellement, du travail industriel. Ce travail pourrait être pensé sous deux formes, le travail intellectuel et le travail relationnel ou affectif. La formation, la communication et la coopération deviendraient aujourd'hui les règles de la production et il en résulterait notamment une moindre division sociale du travail. Les fabrications contemporaines à base d' « enrichissement du travail », de « management participatif », d' « autonomisation des tâches » et autres programmes de « réalisation de soi » finissent par faire oublier cette vérités première, le travail est malheureusement divisé et ne l'a jamais été autant.

Pascal, à juste titre, dénonçait ce procédé qui consiste à simplifier outrancièrement une pensée et à y appliquer ensuite sa critique. En essayant de faire plus court que les conférences elles-mêmes, négligeant les contradictions et les insuffisances avouées de l'auteur, j'ai tenté simplement de reprendre quelques points importants du livre. Encore une fois, ces quelques lignes ne s'appliquent pas à l'oeuvre de Negri mais à « Traversées de l'Empire » qui ne peut, à mon humble avis, que décourager un lecteur futur d'« Empire ».
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