AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de AgatheDumaurier


"Suite Française" regroupe les deux premiers tomes achevés dans l'urgence d'un grand et long roman qui devait en compter cinq, couvrant toute la seconde guerre mondiale du début à la fin.
Il manque donc les trois derniers tomes, et pour cause, Irène Némirovsky a été arrêtée en juillet 1942 et assassinée à Auschwitz en aout de la même année.
Le troisième tome est cependant assez clair dans sa tête, et les brouillons retrouvés en donnent les grandes lignes, ce qui permet aux lecteurs de se projeter un peu plus loin dans l'histoire des personnages, qu'il abandonne en grand danger en 1942, donc, puisqu' Irène Némirovski écrit en temps réel.
Reprenons depuis le début.
La première partie : "tempête en juin", relate l'exode, vu de l'intérieur par une série de tableaux et de personnages que l'on suit sur les routes de France. On part de Paris avec une famille de grands bourgeois, les Péricand, un auteur célèbre, Gabriel Corte, et sa maîtresse Florence, un couple de petit bourgeois, les Michaud, qui doivent rejoindre à Tour le directeur de la banque, Corbin. On suit aussi par bribes les fils adultes des Péricand et Michaud, et quelques autres personnages secondaires. La deuxième partie, "Dolce", est centrée sur les débuts de l'occupation allemande en province, autour de la famille Angellier (bourgeoise) et de la famille Labarie (paysanne), dont les membres sont déjà apparus dans la première partie ou liés à des personnages connus du lecteur.
Irène Némirovski, par la multiplication des personnages et de leurs liens, tente de recréer en dimension réelle l'espace-temps de l'exode, tel qu'elle l'a vécu et analysé. C'est une grande réussite. Une sorte d'apocalypse terre-à-terre, où les certitudes sur soi et les autres sont cruellement mises à mal, mais sans crise, sans hystérie, comme naturellement. Les gens se comportent mal, il fallait-il faut- s'y attendre. L'égoïsme l'emporte, il n'y a rien d'épique ni d'héroïque chez personne. Un peu de solidarité par ci par là, mais pas grand chose ...Triste tableau, donc, que cette déroute. L'auteure, qui n'a pas vu la fin de la guerre, semble néanmoins dotée d'une forme de double vue. On sent, dans le deuxième tome, que des réseaux de résistance vont s'organiser. La collaboration est active, mais Némirovsky sent que cela finira mal, et certains personnages en mettent d'autres en garde contre une trop grande proximité avec l'ennemi.
Quant aux trois derniers tomes, on dirait qu'elle les a vus dans les cartes :
-Captivité, sur les camps de concentration et les prisonniers de guerre. (Elle n'imagine pas l'extermination)
-Batailles et Paix, la fin de la guerre, où l'on sent très clairement que, pour elle, l'Allemagne va perdre par l'Angleterre...
"Le poète travaille à se rendre voyant..." On reste stupéfaite devant un tel talent et désespérée de ne pas avoir la fin de cette fresque magnifique par la faute d'impardonnables barbares.
(C'est déjà un miracle que nous ayons ces deux tomes, transportés par les deux filles d'Irène Némirovsky durant toute la guerre, et finalement retranscrits au début des années 2000)...
Commenter  J’apprécie          4312



Ont apprécié cette critique (39)voir plus




{* *}