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Critique de Myiuki


Voilà plus d'un mois que j'ai lu ce roman et je n'arrive toujours pas à apposer sur mon ressenti de mots assez justes, assez forts, pour décrire ce que j'ai ressenti à sa lecture. C'est un livre magnifique, qui m'a fait découvrir la culture africaine telle que je ne l'avais vue, faite de coutumes et de superstitions. C'est un roman intime, déroulé sous nos yeux comme un conte à la manière de la tradition orale africaine. Un récit qui nous emporte dans un autre monde. Bienvenue par ici et préparez vous à partir pour un voyage en terre inconnue ...

Moi qui ne connaît que peu le continent africain, j'ai été fascinée, et troublée aussi, de partager ainsi la vie d'une femme camourenaise, Ndali. Cette dernière, figure centrale du roman, nous raconte toute l'histoire de sa vie à travers ces pages. Et c'est un récit captivant, empreint de tristesse, d'amour, de peines et de douleurs. Rien n'est facile dans ce roman, rien ne nous est offert sans contrepartie. C'est dur, violent, c'est un combat. Malgré tout, une force irrésistible pousse le lecteur a tenté d'aller plus loin que ses préjugés, de comprendre pourquoi les choses se déroulent ainsi là-bas, pourquoi ces croyances et ces coutumes qui ne sont pas les nôtres se perpétuent et ne devraient pas forcément nous choquer. Il n'est pas simple pour une occidentale comme moi, incroyante et féministe sur les bords, d'accepter la condition de Ndali sans réagir. Mais elle, elle le fait, avec force, courage et dévotion, alors j'ai tenté de suivre son exemple. J'ai serré les dents et j'ai laissé tomber quelques barrières pour tenter de mieux la comprendre ...

Il faut dire que la condition de Ndali en tant que femme peut sembler on ne peut plus archaïque. Dans son village, les hommes règnent en maîtres, les femmes font plutôt office d'objet, d'esclave, que d'être humain. C'est une condition qui me répugne, par exemple, le fait qu'elle soit la 30ème épouse de son mari actuel, ou qu'elle doive subir les affronts d'un homme ivre et violent sans mot dire, me rend la femme africaine tellement vulnérable, j'ai eu envie à plusieurs reprises de me révolter face à ces comportements qui me semblent barbares. Pourtant, ce sont des traditions ancestrales qui ont mené ces villages à s'organiser ainsi, sur un fonctionnement que je dirais similaires à celui des castes. Cette hiérarchie masculine mise en place, ce règles, ces contraintes, m'ont vite paru suffocantes. Il est dur de s'y plier pour quelqu'un épris de liberté. Son corps enchaîné, Ndali a cependant pu garder son esprit libre, je pense que c'est ce qui l'a sauvée ...

La vie de Ndali est riche d'enseignements. Elle commence bien avant sa naissance et se termine sur son lit de mort. Suivre ce destin tragique, celui d'une métisse, née d'un amour furtif mais puissant entre une mère noire et un père colon, allemand, qui sera persécutée sa vie durant pour cette différence, c'est s'embarquer dans un voyage inoubliable. de sa venue au monde, Ndali garde la trace de la Malédiction que les hommes de son village lui appose sur le front. Elle fait peur, car elle est différente. Ce point du récit n'a pas été sans me rappeler des périodes de l'histoire pas si lointaines où les couples mixtes et leurs enfants n'étaient pas vraiment accueillis à bras ouverts dans les communautés occidentales. Évoqué ainsi, le thème de la différence, de ce qu'on ne comprend pas, fut un très bon choix de la part de l'auteur. Elle donne une belle leçon de tolérance à son lecteur sans pour autant faire basculer son récit dans le moralisme. Impressionnant, surtout quand on voit comment les villageois réagissent à la fin du livre ... Ca m'a soufflée !

C'est donc une vie triste, faite de souffrances que connaît Ndali. Sa descendance féminine porte la marque de la malédiction, ses enfants meurent, son premier époux aussi, sa petite-fille s'enfuit du village après le meurtre de sa jumelle, ... bref, c'est sordide, plus qu'une femme ne devrait avoir à supporter. On a vraiment le sentiment que tout le poids du monde repose sur les épaules de cette femme. Je me suis demander tout du long comment elle gardait encore l'espoir, la force et la volonté pour avancer dans cette vie-là qui me paraît plus être une non-vie ou survie qu'autre chose. Il y a peu d'éclaircies, peu de bonheur dans la vie de Ndali, à part son éducation dans la forêt auprès de la Déesse Noire, magique, ou sa première "rencontre" avec son tout premier amour. Ces émotions fortes, violentes, qui prennent possession du lecteur tout au long de la lecture, nous rendent cette vie admirable en bien des sens. Même si souvent, je suis restée dans l'incompréhension face au comportement de Ndali. Après tout, vu comment les autres la traitent, pourquoi rester ainsi auprès d'eux ? Quel intérêt ?

Et c'est là que nous entrons dans la partie "mystique" du livre. Car si Ndali demeure dans ce village, c'est pour en protéger les habitants. En effet, elle est loin d'être une simple femme, elle est l'élue. Celle qui commande aux âmes damnées de la Voûte et empêche le monde de sombrer dans le mal. J'avoue que toute cette partie, c'est celle qui m'a le moins plu. Je n'ai pas adhéré au concept de la Voûte, aux hommes qui forment la confrérie qui la garde, etc. J'accepte totalement les pouvoirs de Ndali, là n'est pas le problème, mais disons que la façon dont ils sont représentés dans cet autre monde ne m'a pas captivée. On a à faire ici à des superstitions, des croyances, qui ne sont pas les miennes, c'est peut-être ça qui a posé problème, je ne sais pas, mais je n'ai pas réussi à accrocher à cet autre univers. Dommage. Surtout que de savoir que Ndali était une sorte de sorcière aux pouvoirs puissants et qu'elle détenait cet ascendant sur les gens de son village sans qu'il le sache était quand même une bonne surprise. Ca a donné encore plus de force à son personnage, s'il en était vraiment besoin. le fait qu'elle combine ces deux existences pour être un tout est vraiment fascinant.

Il y a bien évidemment d'autres personnages qui viennent se greffer autour de Ndali, mais je n'en parlerais pas ici, il est préférable de s'en faire une idée en lisant le livre. Les premières impressions sont parfois trompeuses et chacun doit se faire sa propre idée de l'Homme. J'avoue que tous ont su, d'une manière ou d'une autre, me toucher par leur histoire, par leurs peurs, leurs souffrances, leurs remords, leurs désirs. Quelque part, c'est une livre qui permet de rêver. Il nous ramène dans un temps que l'on pourrait croire obscur et qui pourtant est actuel, vers des croyances que l'on pourrait croire oubliées mais qui survivent. C'est un voyage au-delà de nous-mêmes. Il faut, comme Ndali, savoir quitter son corps et ses idées préconçues pour ne laisser que son âme découvrir cet ouvrage. C'est le seul moyen de le découvrir pleinement, dans toute sa splendeur et sa sincérité.

J'ai beaucoup aimé lire ce livre malgré les petits défauts que j'y ai perçu. Ce fut une découverte sur laquelle j'ai eu du mal à mettre des mots tant elle m'a bouleversée. La vie de Ndali ne laisse personne indifférent, elle vous touche, que vous le vouliez ou non, elle vous rend plus fort, plus souple aussi quelque part. Elle m'a donné envie d'être, à son image, une femme forte qui garde la tête haute quoiqu'il arrive. C'est un très beau voyage et une belle leçon de vie que nous offre ici Marie Gisèle Nkom et je ne peux que vous recommander la lecture de ce livre.
Lien : http://coeurdelibraire.over-..
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