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Critique de LainIwakura


Les éditions La Volte ont entrepris depuis plusieurs années de nous faire découvrir l'oeuvre de cet auteur anglais stupéfiant. Intrabasses, dont le titre original est « Needle in the groove », est peut-être le plus inclassable des romans d'un auteur qui ne l'est pas moins.

L'histoire se déroule évidement à Manchester, ville d'origine et source d'inspiration sans fin du romancier. On y suit le parcours d'Eliott, jeune bassiste en quête d'absolu : celui de la création, de l'amour et de la mort.

Sa vie chaotique et ses déboires, souvent dus à son penchant pour les drogues, le mène à rencontrer un groupe en formation à la recherche d'un bassiste pour compléter son spectre sonore.

Le groupe se nomme « Glam Damage » et cherche à faire la synthèse de l'histoire musicale de Manchester (ou plutôt Madchester comme l'écrit Noon) dans un mélange détonant de skiffle, de dance, de glam rock et de punk, le tout passé au crible de l'échantillonnage et de la culture du dub et du remix.

L'auteur compose une ville où la musique donne le rythme, rebaptisant les lieux d'une Manchester rêvée du nom des groupes qu'il admire, tous issus de cette cité ouvrière sur le déclin.

Jeff Noon expérimente toujours à bon escient, il injecte dans cette histoire un élément particulier : une drogue musicale. Jody, la DJ du groupe, utilise un procédé qui lui permet d'enregistrer sa musique sur un support liquide contenu dans une boule translucide. Elle peut, selon les mouvements qu'elle imprime à l'objet, remixer et réagencer leurs compositions sans limites. Idée déjà étonnante, mais les membres du quatuor décident de tester le potentiel psychotrope du mélange. Tantôt se l'injectant, tantôt l'inhalant après évaporation, tantôt le buvant, nos personnages vont s'exalter et se détruire en tentant d'enregistrer ce qui devrait être leur contribution à la culture musicale mancunienne.

Sur le plan de l'écriture aussi il s'agit d'un chef d'oeuvre d'expérimentation. Parce qu'écrire la musique ce n'est pas évident et que Jeff Noon a su faire de son texte une véritable partition – remix compris ! – C'est comme un long poème en prose où toute ponctuation est composée de barres obliques (/ slash). Il faut souligner le travail admirable de la traductrice, Marie Surgers, qui a su rendre intelligible toute la nuance et la complexité du texte original aux francophones. Elle a d'ailleurs été récompensée par le GPI 2015 de la meilleure traduction.

Il y aurait encore mille choses à dire sur ce texte, sur les relations entre les membres du groupe, notamment le rapport basse/batterie donc Eliott/2spot, ou encore sur l'héritage musical … mais le mieux c'est encore de s'y plonger.

Si vous n'avez pas peur de vous perdre quelque part entre musique et littérature, envoyez-vous une bonne dose de Jeff Noon sans aucune modération.

En bonus : le livre est accompagné d'une bande originale du livre (procédé récurent à La Volte). Cette fois on pouvait s'attendre à une transposition de la musique de Glam Damage, mais non. J'étais surpris au départ, à force de lire leur musique je voulais l'entendre VRAIMENT. Mais finalement c'est mieux comme ça ; le CD est un éclairage supplémentaire sur le texte, on l'entend en VO, c'est dit par Noon lui même de sa voix étrange et fragile. La musique est de l'excellent David Toop, il y fait ce qu'il fait de mieux : un océan sonore à géométrie variable, de l'ambiant en finesse.
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