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Critique de DoubleMarge


Nous entrons dans ce roman comme dans un livre minéral « pays lumineux au sol sombre, (…) au feu devenu pierre », fait de contrastes et de couleurs, un livre cosmique. Les éléments terre, air, feu, eau, sont en perpétuel mouvement dans une nature âpre mais jamais hostile. L'humain est à sa juste place face à la force tellurique de la nature, son cycle de vie. Adèle O'Longh peint des tableaux avec un rythme alternant immobilité et mouvement. Terre et mer se répondent, le style est sensuel, les mots caressants.
Alice est « une âme égarée, (…) désespérée par l'absurdité de la vie en général », et de la sienne en particulier. Profession : errante et vidéaste. Elle promène sa douleur d'être sur l'île des Canaries, dernier refuge où se reconstruire. Ses fiascos amoureux l'ont fissurée chaque fois plus profondément, au point de ne plus savoir comment exister. Un jour, au détour d'une balade, elle rencontre Sarah, une vieille dame à l'allure fruste mais au sourire accueillant qui vit seule dans une petite maison nichée au centre d'un vieux volcan. Sarah a la bienveillance de la mère idéale, la voix douce comme un baume apaisant, et l'intelligence aiguë de ceux qui vous devinent à demi-mot. Pour elle, la beauté est au-delà du corps, aussi gracieux soit-il. Elle est dans un impalpable, dans une éternité indicible. (...) La vieille femme va emmener Alice vers un long périple intérieur pour se débarrasser des boulets que l'on traîne après soi. Une pratique réflexive et introspective pour atteindre un état qui mène à la cessation de la souffrance. Parfois, il semble qu'Alice fait une thérapie par procuration. C'est Sarah la guérisseuse qui parle, et Alice qui écoute. (...)
Les livres d'Adèle O'Longh sont des voyages initiatiques qui interrogent l'être en soi, l'être au monde dans ses lignes de fracture, sa révolte parfois, son impuissance souvent. L'auteure nous délivre elle-même le fil conducteur qui traverse sa trilogie. « C'est toujours la même trame, Alice, en réalité. On raconte tous la même histoire, la même quête (…) On demande juste à exister ». Exister oui, mais avec des habits fabriqués sur mesure et non du prêt-à-porter. Les mots sont toujours justes, la bienveillance et l'autodérision justes. Justes comme le positionnement du bouddhiste face au réel. Ni trop près, ni trop loin.
Adèle O'Longh n'oppose jamais la dureté du monde extérieur et la quête du bien-être intérieur. Les deux sont dans un rapport de réciprocité. On est loin des postures simpliste. On plonge au contraire au coeur de la complexité du vivant avec ses contradictions et ses failles, ses espoirs et ses rêves et ce jusqu'à la fin du roman. On retrouve confiance en l'être humain, pas l'être collectif, non, l'être dans sa singularité, dans sa capacité à puiser au fond de lui des ressources spirituelles qui lui permettent d'épouser le mouvement et l'incertitude de l'existence. le texte est une merveille de spontanéité, de tendresse et de violence. On se laisse bercer par la musicalité des mots, absorbant goutte-à-goutte cette potion de vie, et on se sent léger, un peu moche et très beau. Avec la sensation d'exister.
Francine Klajnberg pour Double Marge (extrait)
Lien : https://revuelitteraire.fr/l..
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