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Critique de kuroineko


Si le titre français Reflets en eau trouble possède une tonalité poétique, je lui préfère pourtant le laconique Black Water de la version originale.

Avec cette grande novella, ou court roman comme on veut, Joyce Carol Oates signe un texte kaleidoscopique avec plusieurs strates de lecture. Comme toujours chez elle, son style est précis, les mots pesés et pensés en profondeur.
Dès la première phrase, on sait que l'accident est survenu et que la voiture s'enfonce dans les eaux noires et putrides d'un marécage. A bord un Sénateur d'un âge mature et Kelly, jeune femme de 26 ans qu'il vient de rencontrer et d'emporter (empocher?) lors d'une party pour le 4 juillet.

Reflets en eau trouble dénonce un scandale de l'adultère près d'être consommé. La party avait lieu sur une île du Maine. le Sénateur désirait attraper le ferry pour retrouver l'hôtel et y savourer les délices de sa fraîche conquête consentante au demeurant. Il engage la voiture sur une route qu'il prétend être un raccourci vers l'embarcadère. Symbolisme de la sortie du droit chemin avec toutes les connotations judéo chrétiennes que cela comporte. Et qui se vérifient puisque dans un virage de ce chemin détourné survient l'accident.

Autre lecture, plus allégorique : les nombreuses références à l'américanité (4 juillet, un homme politique américain, une Kelly ancienne étudiante en histoire politique des États-Unis, le leitmotiv ressassé par la jeune femme "Tu es Américaine", ...) renvoie à une défaillance des valeurs consacrées - blanches - de l'Amérique. Avec Kelly, c'est le pays et son idéologie qui plongent dans la fange noirâtre, nauséabonde et mortifère du marais des pensées et valeurs dévoyées. Oates aime tant gratter le vernis impeccable à première vue de l'Amérique contemporaine! L'histoire présente se situe en 1991, pendant la première guerre du Golfe. Mais l'auteure s'inspire d'un fait réel survenu en 1969. Ted Kennedy et sa maîtresse eurent un accident similaire où le politicien parvint à s'en sortir au détriment de sa partenaire. le roman reprend comme en un.miroir légèrement déformé ce drame de la circulation mais surtout drame de l'humanité devant le comportement de l'homme.

J'ai beaucoup apprécié ce récit même s'il m'a mis mal à l'aise plus d'une fois. Sa construction éclatée, comme un miroir brisé, peut être assez déroutante au départ mais on s'y fait vite. Je reste une fois de plus époustouflée par la puissance évocatrice et l'intelligence du récit de Mme Oates. Elle fixe la barre haute pour toute personne que la muse scripturale titille...
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