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Critique de paroles


Diable, que cette lecture est difficile ! Mais pourquoi invoquer diable ou dieu quand tout ici n'est la faute que de l'homme. Pourquoi infliger tant de souffrance aux femmes ? Au nom de quoi, de qui ? Si la conduite des hommes est régie ici par un livre religieux, alors je suis bien contente de n'en posséder aucune de religion.

Kurdistan, 1986. Frmesk, fragile petite-fille vient de voir le jour. Mais son arrivée est loin d'être la bienvenue. Naître fille en terre musulmane n'est pas une bénédiction. Rejetée par son père et sa grand-mère paternelle, elle n'aura la vie sauve que grâce à ses grands-parents maternels qui la prendront sous leur coupe pour la protéger.
Entourée par une grand-mère très croyante et un grand-père érudit qui possède une bibliothèque, elle grandira entourée d'amour, sans cependant être éloignée de toutes les souffrances imposées aux femmes.
Danemark, 2016. Frmesk, jeune femme fragile est soignée à l'hôpital de Skejby.
On ne sait pour quelle raison notre héroïne se trouve ici. Mais c'est ici qu'elle fera la connaissance d'une jeune kurde, étudiante en médecine. Et c'est grâce à leur origine commune que le dialogue se nouera et que des points de comparaison entre vie en pays musulman et vie en occident pourront être établis.

J'ai beaucoup aimé cet ancrage entre les deux pays qui permet de mieux comprendre comment la vie des femmes musulmanes est réglée par l'autorité patriarcale. Combien il est difficile de s'affranchir du poids de la religion et des traditions. Poids maintenu par les hommes évidemment qui ont le beau rôle d'imposer, sous couvert de religion, leur façon d'être et de voir. Mais aussi poids maintenu par une certaine frange de femmes qui peuvent à leur tour en imposer à leurs belles-filles. Quelle aubaine d'avoir enfin un peu de pouvoir sur autrui !

Bien sûr, cette lecture fait hurler la lectrice que je suis tant les violences (humiliation, viol, mutilation, meurtre, inceste… ) faites aux femmes sont ici monnaie courante et que s'il y a faute, c'est toujours du fait de la femme et ce sans aucune objectivité, ni remise en question, le Coran à l'appui. Donc, le bouc émissaire tout trouvé ! Et il en faut du courage pour oser écrire ce qui suit :

« - Quoi qu'il arrive, une femme doit toujours être pure et honorable. Dans son esprit et dans son corps, dit Muhammad.
- Si l'honneur d'une femme se situe dans son hymen, où se situe celui d'un homme ?
Muhammad fusilla du regard son père.
- Tu ne dis rien. C'est bien ce que je pensais. Selon toi, l'honneur d'un homme se situe dans l'hymen de sa soeur ou de sa femme, et cela peut justifier à la fois le déshonneur et le meurtre.
- Ce sont des sottises, des saloperies, s'emporta Muhammad.
- Non, dit Darwesh. Car quand est-ce qu'un homme est considéré comme impur ? Et est-ce que sa virginité peut représenter la fierté ou la honte de toute une famille ? - Il secoua la tête. - C'est ça, le coeur de tous les maux, mon fils. La perte de la virginité d'un homme ne compte pas. Seules les femmes et leurs sexes peuvent être responsables de l'infamie qui s'abat sur une famille, et cette responsabilité est si lourde qu'elle peut toujours justifier qu'un homme ait recours à la violence ou au meurtre... »

Alors, outre la qualité de l'écriture et de la traduction, je tiens à remercier l'auteure pour sa franche composition, la saluer pour les risques encourus face à la dénonciation de coutumes violentes et archaïques et enfin lui dire que j'attends avec impatience la suite de cette trilogie annoncée.
Et vous, lecteurs et lectrices, qui passez par ici, offrez-lui la possibilité de continuer son oeuvre et de faire entendre sa voix.

« Je savais qu'il y aurait des conséquences quand j'ai décidé d'écrire ce livre, mais je n'avais pas le choix, souffle l'écrivaine. C'était ça ou mourir, et j'avais toutes les raisons de choisir la mort. »
(deux fatwas ont été prononcées contre elle).
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