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Critique de coffret


Je cherche ce qui est personnel.


Plus que quelqu'un qui me dit ce qu'il faut faire, pourquoi la société va mal, pourquoi les gens sont heureux ou malheureux, je cherche quelqu'un qui me parle de lui. Quelqu'un qui balaie devant sa porte avant de juger de l'état du ménage chez les autres.


Dans les livres, c'est pareil. Je veux voir celui qui parle au travers de ses mots. Je veux le percevoir, a minima. Mais mieux, je veux qu'il se revendique, qu'il s'assume, qu'il se réclame. Je veux savoir ce qui l'émeut et je veux qu'il aime en parler. En parler intelligemment, pas juste raconter. Sinon, j'ai entre les mains un dictionnaire, un catalogue. Je ne veux pas de l'objectif, je veux du subjectif.


De plus, parmi ceux qui me donnent du subjectif, je me réclame le droit de ne pas en aimer certains. J'aime ceux qui prennent leur vécu à bras le corps, qui le portent eux-mêmes. J'aime ceux qui le comprennent, ou qui cherchent à le comprendre. J'aime ceux qui savent faire des arrêts sur image et ne repartir que lorsqu'ils ont le sentiment d'en avoir fait le tour.


C'est ce que j'ai trouvé dans Éloge du cul d'Alain Paucard.


Loin de s'ériger en mâle dominant toutes les femmes, Paucard prend le parti d'exprimer, avec une fougue réjouissante de sincérité, son point de vue personnel et unique sur la sexualité en général, et sur le cul en particulier.


S'il parle de domination, s'il revendique son désir d'être directif, son impatience, sa grossièreté, ce n'est certainement pas pour épouser une idéologie ou pour se cacher derrière. C'est bel et bien de sa singularité dont il parle. Sa vision de la sexualité, de SA sexualité.


Mettre des mots comme il le fait n'est pas à la portée du premier venu. Il n'est pas de ceux qui alignent les termes crus sans prendre de pause. Il s'arrête et observe. Il se laisse pénétrer de l'objet de son attention : « on est là, on regarde fixement, le Monde s'en va, les soucis s'envolent ». Là où tant d'autres se contenteraient - en deux mots convenus – de décrire ce qu'ils voient et ce qu'ils y introduisent, lui s'étale, développe, amplifie. Il s'édifie.


Je suis très attachée à la symbolique des actes, j'ai souvent déploré la platitude des descriptions purement factuelles. Éloge du cul est bien plus que du simple factuel. On y lit des choses comme « Je m'arrête toujours à l'entrée comme devant un temple sacré », ou encore « Quand nous la traitons de "salope" […], nous ne sommes pas dupes. le mot reste en suspens, mais nous continuons à dire en nous-même "… qui m'a pris dans ses filets." ». La tendresse qui mouille et adoucit cette phrase en pointillés est perceptible dans toutes les pages. Le symbolisme est là, subtilement, partout. L'introspection aussi. À aucun moment je n'ai eu le sentiment de rester sur ma faim. Mieux, je considère son écriture comme très complète dans le domaine du sexe. Une sorte d'idéal à mes yeux, pas noyé dans l'eau de rose ou la poésie, pas non plus du cru sans âme en veux-tu-en-voilà. Seulement de la simplicité, de l'humilité, de la joie, du profond. La construction est solide, belle, étayée, personnelle.


Alors, « machiste » ? Non. On ne peut pas être machiste lorsqu'on est individualisé, lorsqu'on s'interroge soi-même plutôt que de se cacher derrière la dernière bien-pensance à la mode. L'amour de son sujet ne peut pas relever du machisme !


Le machisme est réservé à ceux qui n'existent pas. Or lui existe. Il est de ceux qui suivent leur voie, de ceux qui me donnent confiance en la mienne, de ceux qui n'ont qu'un ou deux lecteurs avoués sur un site de lecture. Il ne fait pas l'unanimité, l'unanimité préfère ce qui est conventionnel, ce sur quoi les autres vont mouiller leur chemise pour écrire une critique, parce que c'est là qu'il faut être. Lui roule à contresens sur l'autoroute.


Il évoque le prosélytisme, oui, mais dans le but d'accéder à l'individualité qui rend beau et consistant, pas dans le but de faire des moutons. D'ailleurs, le chapitre qui traite des plages de seins nus résume bien le fait qu'il n'adhère à rien d'extérieur mais qu'il revendique le personnel et l'intime. Le mérité.


Pour résumer, je suis emballée. Il y a du consistant, une vraie personnalité, pas une fadeur qui imite, pas une photocopie.


J'ai tendance à prendre la défense de ces êtres qui osent s'avancer et expliquer ce qu'il sont, même lorsqu'on ne le me demande pas. J'ai une vraie tendresse pour eux. Je leur trouve toutes les circonstances atténuantes du monde parce qu'ils sont eux-mêmes et ne se sacrifient pas à la bien-pensance et/ou la communauté de pensée.


Éloge du cul est une pensée individuelle, une vision non conformiste, magnifiquement développée ! Quel courage il faut pour être soi, mais qu'est-ce que c'est beau !
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