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Critique de Acerola13


Encore une critique dont la lecture remonte (je rattrape mon retard, toute à mes belles résolutions de début d'année !), mais qui m'a particulièrement marquée. Après Carnages. Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, qui m'avait déjà bien chamboulée, Pierre Péan récidive avec ce gros pavé sur le Kosovo.

L'objectif de l'auteur est de questionner les motifs et l'efficacité de l'intervention de l'OTAN en 1999, de souligner la désinformation entreprise autour de cette guerre, et de dénoncer le caractère criminel et mafieux de l'UÇK, autoproclamée armée de libération du Kosovo. Loin de vouloir minimiser ou nier les crimes de l'armée serbe envers la minorité albanaise, Pierre Péan s'insurge contre l'absence de critiques et le laisser faire des Occidentaux face aux crimes de l'UÇK.

Joyeux programme, qui débute avec un rappel salutaire sur l'opération Force alliée, où l'OTAN bombarda allègrement et en dehors de tout cadre légal (interne à l'organisation ou de l'ONU) plusieurs zones serbes, tuant au passage des civils et permettant de facto la consolidation de la mainmise de chefs mafieux sur le Kosovo, dont les enquêtes d'accusation de trafics d'organes furent systématiquement entravées.

Pierre Péan s'en prend également aux médias et à la présentation manichéenne qu'ils font des forces en présence : la propagande américaine associant les serbes aux nazis, passant sous silence la collaboration bien réelle de la Croatie avec l'Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale, et présentant les paramilitaires de l'UÇK comme des enfants de coeurs.
Il détaille ensuite les tentatives de négociations, vouées selon lui à l'échec dès le départ, visant même à renforcer le rôle de l'UÇK : les prérequis aux négociations demandant le retrait des troupes serbes de certains territoires permirent à l'UÇK de consolider ses positions sur le terrain, l'invitation de la structure paramilitaire, représentée par Hashim Thaci, à la Conférence de Rambouillet contribua à décrédibiliser Ibrahim Rugova, leader de la Ligue démocratique du Kosovo, et à radicaliser les discussions. L'auteur n'épargne pas la Secrétaire d'Etat américaine de l'époque, Madeleine Albright, qu'il accuse d'avoir voulu déclencher une intervention armée de l'OTAN à tout prix, quitte à exagérer voire à mettre en scène des tueries (et notamment celle de Račak, dont les expertises donnèrent lieu à des conclusions maintes fois remises en cause), et à faire preuve d'un acharnement curieux pour faire capoter les négociations (en proposant par exemple une annexe à l'accord de paix prévoyant que l'OTAN ne soit soumis à aucune loi en Serbie…).

Malgré les tentatives diverses pour éviter une intervention de l'OTAN, que personne ne semble désirer exceptés les Américains, les bombardements sont lancés, avec des effets à l'efficacité remise en cause : victimes civiles des bombardements (qui visent également des bâtiments non militaires, dont l'immeuble de la Radio-télévision de Serbie et l'ambassade de Chine), regain de violence, et mains libres laissées à l'UÇK qui poursuit ses petits trafics sans être inquiété. Après cette entrée en matière déjà bien chargée, Pierre Péan analyse et décrit le trafic d'organes, les enlèvements et les tortures parfaitement organisés au Kosovo, avec la bénédiction des autorités et disposant d'une base arrière bien utile en Albanie.

Pierre Péan s'empare donc une fois de plus d'un sujet au potentiel de bombe scatologique non négligeable, avec sa verve habituelle et son avalanche de sources et de témoignages, qui paraissent tout de même bien cohérents même si cela provoque des haut-le-coeur. Que l'on croie ou non à ses conclusions, cet essai est bien utile pour rappeler que tout un chacun peut s'abstenir de respecter les règles internationales, et que ce genre de petit arrangement est tout simplement du pain béni présenté sur un plateau d'argent pour les régimes totalitaires et leur propagande (à tout hasard, la Russie lors d'une « opération spéciale » en Ukraine). Écoeurant…
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