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Critique de Charliebbtl


Les deux premières grandes révolutions en France de la fin du XVIIIe à la fin du XIXe siècle ont eu chacune leurs auteurs : Dickens et Hugo pour la Révolution française avec, respectivement, "Le Conte de deux villes" et "Quatrevingt-treize" ; Hugo pour la Révolution de 1830 avec "Les Misérables". Mais étrangement, à ma connaissance, les écrivains contemporains de la Révolution de 1848 n'ont jamais été jusqu'à consacrer un roman dans son intégralité à cette période. Certes, Hugo, Balzac, Dumas, Flaubert ou Sand l'ont mentionné en quelques pages dans certains de leurs ouvrages mais sans plus. Il semblerait que la question ait davantage intéressé à partir du XXe siècle et l'auteur lui-même dans son épilogue propose une explication à ce phénomène :

Cet effacement – et ou cet oubli – résulte aussi, certainement, de la mauvaise conscience d'une classe dominante qui, devant le surgissement inattendu des « barbares » issus de quartiers populaires et des faubourgs, n'a su répondre que par le feu des canons et des fusils.

En effet, à la différence des romans de Patrick Pesnot que j'ai pu lire avant celui-ci, ce nouvel opus offre plus de place à l'historique qu'à la fiction comme pour réhabiliter une période oubliée. Et pour cela, il se sert de son personnage principal, André alias Petitjean qui se révèle, dès les premières pages, totalement vierge de ces mouvements de révolte ou de ces nouveaux courants de pensée qui grondent dans la capitale. C'est l'intervention de son ancien instituteur, Alphonse Richet, qui va « mettre le feu aux poudres » de son regard critique sur la situation de la France. Arrivé à Paris, on découvre, jour après jour, les événements de cette mini-révolution. Accompagnant Petitjean au fil des pages, on prend conscience, en simple spectateur, de l'engouement qu'elle a suscité dans la classe populaire, cette étincelle d'espoir de voir enfin le travail reconnu et la visibilité offerte à une classe sociale en souffrance. Mais rapidement, on découvre, à travers le regard que porte le héros sur les scènes de massacres quasi-organisés par la bourgeoisie incapable finalement d'imaginer un quelconque partage des pouvoirs avec la classe ouvrière, la naissance d'un désenchantement, l'extinction d'une espérance si illusoire. C'est l'écoeurement qui anime rapidement Petitjean puis la désillusion au point d'en arriver à penser que cette lutte en laquelle il a tant cru ne sera pas gagnée par lui et ses amis mais par une génération future.

Face à ce dramatique constat, Petitjean n'a plus qu'un seul espoir : l'amour, et c'est là que la fiction en fin de roman prend toute son ampleur dans la mesure où le cours de l'Histoire s'est révélée immuable. Cet aspect de la vie privée du héros ne constitue, au fil du roman, qu'un fil rouge extrêmement ténu. D'abord amouraché de Lisette, la petite couturière tout aussi perdue que lui dans une société où elle ne trouve pas sa place, c'est surtout l'apparition de Suzanne, soeur de ses « amis » bourgeois, Robert et Jérôme Lavanel, qui va le bouleverser, d'autant que la jeune fille cautionne les mêmes idées de progrès social que lui. Cela relève donc de l'évidence qu'une fois le constat fait de l'échec de la Révolution de 1848, Petitjean se raccroche à l'unique raison de vivre qui lui reste : Suzanne. Mais voilà, l'Histoire et l'être humain sont parfois irrémédiablement liés et Suzanne et Petitjean en feront l'amère expérience dans une fin qu'on peut qualifier de dramatique voire absurde. Mais une telle fin n'arrange-t-elle pas les ambitions d'un Robert Lavanel, sans doute le plus hostile au mélange des classes ? Et n'est-elle pas, en même temps, la pire des punitions pour un Jérôme Lavanel, aveuglé par son égoïsme au point d'utiliser son ami pour faire simplement revenir à la vie sa soeur bien-aimée ?

Je ne reviendrai pas sur le style de Patrick Pesnot dont j'ai déjà parlé dans mes précédentes chroniques et que j'admire toujours autant tant il révèle un amour réel pour la langue française. C'est le genre d'auteur qui vous redonne l'envie d'ouvrir un dictionnaire… chose assez rare dans le monde littéraire actuel, frappé trop souvent par une paupérisation lexicale désespérante.

Au final, un beau roman historique sur une période un peu oubliée et dont la fin vous rappellera celle des grands drames romantiques.
Lien : https://mespetitsplaisirsamo..
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