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Critique de motspourmots


Alors là, chapeau ! Je ne peux que m'incliner devant tant de dextérité, de savoir-faire et d'intelligence. J'ai dévoré les 700 pages comme une morte de faim, replongeant à chaque fois que mon esprit commençait à douter par la grâce d'un retournement de situation parfaitement bien placé. Pourtant, La physique des catastrophes, son premier roman était tellement parfait que l'on pouvait s'interroger sur la capacité de l'auteure à réitérer son exploit. Non seulement elle y parvient, mais elle se place définitivement dans la catégorie des romanciers dont j'attends les prochaines livraisons pour les acheter les yeux fermés.

Dans Intérieur nuit, on retrouve ce jeu à plusieurs niveaux qui était déjà proposé au lecteur dans La physique des catastrophes, ce principe que tout n'est qu'apparence et question d'interprétation, la réalité n'étant que le résultat de notre volonté de croire. Ici, l'auteure nous entraîne dans une course effrénée sur les traces d'un sulfureux et légendaire réalisateur de films d'horreur, habitué à susciter l'illusion. Mystérieux, retiré dans une propriété mieux gardée qu'un arsenal militaire, Stanislas Cordova n'a pas donné d'interview depuis 1977 et a veillé à s'entourer d'un parfait secret. Lorsque sa fille, Ashley Cordova est retrouvée morte, a priori suicidée à 24 ans dans un immeuble désaffecté de Manhattan, le journaliste Scott McGrath est soudain replongé dans un univers qui a déjà détruit sa carrière cinq ans auparavant alors qu'il enquêtait sur Cordova sur les bases du témoignage d'un mystérieux informateur. Bien décidé à faire la lumière sur toute cette histoire, Scott McGrath décide de repartir à la chasse, en quête de vérité, persuadé que l'aura sulfureuse qui entoure le réalisateur cache les pires perversités, sources d'explications de la mort d'Ashley. Épaulé par deux énergumènes ayant croisé la route d'Ashley au cours de ses dernières heures, une apprentie comédienne sans le sou et un sympathique zonard, il remonte peu à peu le cours du temps... Une enquête qui le conduira à explorer les confins d'un monde plus rêvé que réel, où il sera confronté à ses propres fantasmes et devra choisir ce à quoi il veut réellement croire.

"Quelle que soit la vérité autour de Cordova, en l'espace de quinze films effrayants il nous a montré à quel point nos yeux et nos cerveaux nous trompent sans cesse - et que ce que nous tenons pour certain n'existe pas".

Le talent de Marisha Pessl tient à la façon dont elle réussit à mener son lecteur par le bout du nez et à le faire passer par tous les états à l'image de son héros, Scott McGrath, d'abord très rationnel dans sa réflexion puis prêt à croire aux effets de la magie noire et finalement capable de s'écrier : "Je crois que je suis coincé dans un film de Cordova". Pour cela, les pages sont parsemées d'indices à partir desquels n'importe quelle imagination peut s'enflammer. Histoire de rendre l'existence de Cordova encore plus palpable, elle n'hésite pas à insérer les reproductions de soi-disant documents d'archive ou d'articles de journaux qui font endosser au lecteur le costume de l'enquêteur et finissent d'attiser sa curiosité. Et puis, à chaque fois qu'une piste est explorée, juste au moment où l'on s'apprête à frôler l'invraisemblance, paf, d'un petit retournement bien senti, voilà l'intérêt relancé et l'emprise une nouvelle fois assurée.

Marisha Pessl est une illusionniste. Elle réalise ses tours face au public, pose chacun de ses ingrédients sur une table aux yeux de tous... et pourtant, nous ne voyons rien. Ou seulement ce que nous voulons voir. Son roman est si dense que l'on pourrait presque écrire une thèse pour en décortiquer tous les effets. Ce serait dommage. A chacun de se laisser happer, de s'y perdre et de sentir sur lui les effets de l'illusion.

Bien plus qu'une lecture, une expérience. Une fantastique expérience.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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