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Critique de SophieLesBasBleus


Presque ensemble... il y a dans cet adverbe modalisateur tous les regrets de ce que l'on touche du doigt sans jamais se l'approprier entièrement et l'échec n'en est que plus frustrant et plus douloureusement ressenti. Ensemble, au même moment, dans le même temps et/ou le même espace, à l'unisson en quelque sorte, cet unisson harmonieux qui pourrait être celui d'un amour idéal. Est-ce un leurre ? le roman de Marjorie Philibert finit par nous en persuader à force de ce vide existentiel que rien - ni l'amour mal appris, ni les choses dont la possession ne compense pas le néant, ni les faux-semblants - ne peut combler.
Comme des moules parfois agrippées à leur rocher, parfois malmenées par les vagues, victoire et Nicolas paraissent se laisser porter par les seuls aléas d'un quotidien insipide. Leur existence ne semble se construire que par défaut, sans passion, sans véritable choix, sans conviction. Ils sont là - presque ensemble - mais pourraient aussi bien être ailleurs, avec quelqu'un d'autre. Leurs mésaventures sans flamboyance nous placent à un endroit assez inconfortable finalement : entre un rire (condescendant (moi je ne suis pas comme ça)) et le triste effroi d'un miroir tendu (et si moi aussi j'étais comme ça ?). L'écriture distanciée, peu empathique, reflète à merveille cet état larvaire où le possible n'est envisagé que dans la mesure où les personnages le placent hors de leur portée.
Inconfortable, oui, et pesant quelquefois par l'envie qui nous vient de pousser les personnages à agir, à réagir, à ressentir, à vivre, enfin. le malaise ne m'a pas quittée tout au long de ma lecture. La matière du roman semble si épaisse, si opaque, qu'elle réfère parfois au cauchemar d'un couple sans idéal, sans vision, sans joie, où les personnages s'engluent avec une conscience intermittente. Il s'agit moins, pour moi, du reflet d'un état de notre société - pour cela le Pérec des "Choses" a été bien plus loin et de manière plus percutante et sensible - que de l'histoire d'un couple d'aujourd'hui, avec un homme et une femme qui endossent des rôles comme des habits mal taillés et qu'ils ne peuvent jamais véritablement habiter. Comme s'ils vivaient de vies décharnées et sans saveur.
Oui, je garde l'impression d'un malaise mais c'est probablement l'enjeu de ce roman original et étonnant qui égratigne les certitudes et les belles images que l'on se fabrique. Une lucidité mordante qui va à rebrousse-poil. Sans doute pas un de mes coups de coeur, sans doute pas un roman que je relirai avec plaisir, mais les questions qu'il pose vont probablement continuer d'agacer mes évidences.
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