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Critique de nadejda


Tension, angoisse donne à ce récit qui peut être considéré comme un carnet d'expédition polaire la dimension d'un roman fantastique et l'ampleur d'une épopée tragique.

Pilniak, malgré une écriture simple dans la forme, en passant dans ses descriptions d'une abondance de couleurs froides qui glacent le lecteur à des couleurs chaudes qui font se mélanger l'eau et le feu quand le ciel s'embrase, sait provoquer un état hallucinatoire. C'est tout au long du récit le sentiment d'une profonde désolation et d'une immense solitude dans un monde fermé aux hommes. Il sait aussi maintenir le mystère oppressant qui monte de l'environnement hostile : la peur de la mort, la perte des repères dans la brume et la glace donne naissance à une rivalité et une hargne entre les membres, de plus en plus anxieux, de l'expédition qui, pourtant, doivent se rendre à l'évidence que dans un tel environnement où la folie rôde, seul peut éventuellement permettre une survie, la solidarité, elle-aussi bien difficile à mettre en oeuvre dans ces conditions de vie extrêmes.

p 88-89 le Sverdrup était cerné par les montagnes des icebergs. La terre était plus muette et plus majestueuse que jamais, terre de glaces et de falaises mortes, où nul ne vivait ni ne pouvait vivre, hormis des ours blancs et des oiseaux ; terre en majesté à jamais gelée, à jamais morte, terre que l'homme ne pourrait soumettre, terre hors humanité, hors popotes humaines. Quoi qu'on en dise, un sauvage demeure en chaque homme : ces terres, ce désert de mort étaient splendides, nul n'y avait séjourné jusqu'alors — émerveillement et terreur de voir, d'explorer, de connaître cela pour la première fois ! — Ils étaient pris dans les glaces, tous étaient sur le pont, le capitaine était sur sa passerelle, les navigateurs étaient à leurs postes, dans le gaillard d'avant, au gouvernail. Les heures avaient fui, la terre, devant, était à présent visible à l'oeil nu, à une trentaine de milles, soufflant le froid, le gel, toute majesté et silence. La glace, la banquise érigeaient une muraille à l'entour. Dans l'eau, en troupeaux, les phoques regardaient, étonnés. La terre était bien visible, ce qu'on ne voyait pas c'était comment y aborder : elle n'était que neiges et glaces — glaces qui tombaient dans l'eau en à-pic … Terre, terre ! … Le Sverdrup accosta à 0 h 10 mn. Toute la nuit, au septentrion, une aurore rouge sang, inouïe, empourpra l'univers entier. L'eau était rouge, lilas, noire, verte.. Puis, en une journée et une nuit, .... elle passa par toutes les nuances de mauve, fut tour à tour brune et d'un bleu profond. le ciel était tout à la fois rouge, cuivré comme le cuivre porté à l'incandescence, bleu d'acier oxydé, blanc de neige, rose comme les roses et, à la minuit, le ciel nocturne, au sud, était obscur.

Comme les membres de cette expédition, le lecteur est partagé entre l'effroi et l'émerveillement. Un livre court mais prenant et beau.
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