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Critique de marilyseleroux


Voici un petit livre à emporter dans son panier en osier et à rêver-croquer comme une carotte tendre dans sa botte de printemps ou à glisser en herbe aromatique entre les deux dents du bonheur. Un livre retour du marché, le samedi, à l'heure où on laisse derrière soi mélancolie, soucis, ennuis, pour goûter « l'espace d'une pause au milieu des terriens de fin de semaine ». Car « c'est devant l'étal des fruits confits et des épices en tous genres que la vie prend son sens. » Rien de moins. Alors ça vaut le coup de se lever, de quitter son ordi − courriels pourriels – son traintrain du ouiquenne, pour se ressourcer les sens, tous les sens, dans une de ces « pérégrinations sans mémoire », sans liste ni but, qui permettent la vraie création, toutes antennes déployées sur 360°. Oeil libéré, pieds décrispés, le corps se met en branle, des orteils au cerveau.
Il faut dire que c'est un autre monde, le marché, une sorte de parenthèse enchantée. On renaît à soi et aux autres, on réapprend la lenteur qu'on avait perdue, on se souvient d'un petit détail oublié, on partage des choses intimes à la terrasse d'un café, on s'aime encore plus, encore mieux, d'aimer le marché. N'est-ce pas merveilleux de simplicité vraie ? le coeur retourne en enfance sur une musique d'accordéon, une odeur de pâtisserie, une gourmandise que l'on déguste à même le sac. On capte une conversation inattendue, une situation amusante introuvable ailleurs, on rencontre un ami autour d'une passion qui nous replonge trente-cinq ans en arrière. Mais pourquoi diable a-t-on été privé d'un tel plaisir lorsqu'on était petit ? le marché sans le vouloir nous donne à comprendre notre passé, et même nous réconcilie avec lui, surtout si on a oublié qui on était. Il sert à se rencontrer en fait, dans un entre-deux de la vie. On furète ici, on renifle là, on laisse dériver ses pensées, on associe les choses comme elles veulent, on se pose des questions aussi, philosophiques, métaphysiques (eh oui !), par exemple devant une rutilante rangée d'aubergines… Étonnant, non ? Et les fèves à la croque-au-sel ! Et les petits pois sauteurs, et les laitues polyglottes ! Ah, si on pouvait, on y sacrifierait séance tenante. Bref, au marché, on se sent vivant comme jamais.
Bien sûr, Thierry Radière parle de lui, de son épouse, de sa fille de huit ans. On les imagine très bien déambuler tous les trois dans les allées parmi les stands, heureux de leur rituel commun. L'époux, le père, s'adresse directement à l'une et à l'autre au fil de ses différents tableaux. Mais nous nous reconnaissons d'emblée dans les pas de l'écrivain car il a le talent de nous faire ressentir de l'intérieur combien est précieux, miraculeux, chaque petit moment qui nous « porte à bras-le-corps hors des frontières et nous laisse retomber au milieu des vestiges d'une guerre que nous menons à petits pas contre les certitudes et la folie des grandeurs. » Ses textes à l'instar des marchés sont « des attendrisseurs » d'âmes.
Après avoir lu ces vingt-huit courtes proses aussi savoureuses que le contenu d'un panier bio, soit vous ne vous rendrez plus au marché de la même manière, soit vous vous y précipiterez dès le prochain samedi, eau à la bouche et fièvre aux talons. Surtout n'oubliez pas : c'est un voyage en soi comme « une virée à des années-lumière des origines. »
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