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Critique de Eric75


Ce qui n'est pas écrit n'est pas uniquement un thriller psychologique. Entre les lignes, ce qui est aussi écrit ressemble à un message subliminal adressé au lecteur, à une thèse sur le pouvoir que détient l'écrivain sur ses lecteurs, vus comme des victimes consentantes se laissant embarquer par un scénario que l'écrivain, seul maître à bord, décide. de leur côté, les lecteurs peuvent cependant modeler l'histoire en fonction de leur interprétation des non-dits et de leurs angoisses personnelles qu'ils projettent dans le livre. Il existe donc autant de lectures que de lecteurs, et celles-ci, bien sûr, échappent à l'écrivain.
La construction du thriller est articulée selon les bases classiques d'une histoire racontée à plusieurs voix, mettant en scène trois récits différents évoluant dans leur référentiel propre, sans interconnexion (c'est voulu), mais dont les effets de miroirs renvoient des éclairages d'une partie vers l'autre, créant par construction des superpositions, des réflexions, des perspectives nouvelles, mais peut-être aussi des illusions d'optique et quelques facétieux tours de passe-passe de l'auteur. L'écrivain est un illusionniste qui berne son lecteur.
Les trois récits permettent de tenir en haleine le lecteur grâce à l'alternance des chapitres qui s'achèvent toujours par un « cliffhanger » insoutenable. Les transitions sont élaborées par une petite astuce littéraire exploitant le principe des mots croisés, avec des définitions de mots à chercher. Si vous ne trouvez pas tout de suite, hop, tournez la page et commencez le chapitre suivant, qui commence par… le mot en question ! Une astuce comme une autre pour empêcher le lecteur de lâcher le bouquin !
Un thriller angoissant et plein de suspense donc, qui nous plonge d'emblée dans l'univers anxiogène d'une famille madrilène où tout n'est pas rose, ni le passé, ni le présent, ni même, très probablement, l'avenir. Couple séparé. Garde alternée. le mot divorce apparaît dès la quatrième ligne et donne le ton. le mot pipi apparaît dès la quinzième ligne (et ce ne sera pas pour la dernière fois !)
Le premier récit est celui de la mère, Carmen, qui a du mal à laisser son fils Jorge, quatorze ans, partir en week-end avec Carlos, le père, pour une randonnée en montagne « entre hommes ». D'autant plus que Carlos, écrivain en herbe, lui a laissé le manuscrit de son premier roman, à lire au cours du wee-kend. « Je veux que toi, tu le lises », lui a-t-il écrit. Ce roman recèle-t-il des messages à son intention ?
Le second récit est celui du père, Carlos, qui veut profiter de cette escapade pour mieux connaître ce fils qu'il n'a pas vu grandir, et qu'il voudrait façonner à son image, virile, dure. La confrontation entre le père et le fils va très vite être étouffante.
Le troisième récit est celui du manuscrit, un polar noir, très noir. le personnage principal du manuscrit est un truand, Riquelme, c'est aussi un clone fantasmé de Carlos, plus violent, plus brutal… Créé pour faire peur à Carmen ?
Les points de convergence entre l'histoire réelle du livre et le récit du manuscrit vont se multiplier, provoquant chez Carmen une extrême confusion (et parfois chez l'auteur aussi, semble-t-il, les images de la fiction et de la réalité finissent par se confondre un peu).
Si la violence physique est omniprésente dans le manuscrit, récit fictif, la violence n'est pour autant pas absente des autres récits. Cette violence, psychologique, alimente le moteur de l'angoisse et du suspense.
Pour Rafael Reig, ce trop plein de tension psychologique nécessite d'être équilibré par quelques éléments plus légers du récit, permettant ainsi de relâcher la pression. A cet effet, l'auteur fait très vite retomber le lecteur de la sphère psychologique à la sphère physiologique. Ainsi, pour faire bonne mesure, le fils fait plusieurs fois pipi sur lui, la mère se masturbe, le père compare la taille de son pénis avec tout ce qu'il trouve, l'urine sert à éteindre les feux de camp, le fils pète sous la tente, le crachat se mélange aux larmes, le truand libidineux défèque sur sa victime, le sperme jaillit, le sang coule, les morceaux de cervelle éclaboussent, et j'en passe. Ouf, ça défoule…
Malgré la belle construction intello de ce roman, il faut admettre une certaine propension à la description de scènes extrêmement glauques tout au long de ses pages.
Le 1 horizontal, en dix lettres. Aptitude à excuser, à pardonner les fautes, à ne pas les sanctionner sévèrement.
Indulgence. Quelques bonnes étoiles peuvent néanmoins être attribuées au roman, pour l'efficacité du suspense. Mais attention, malgré le contexte d'une opération Masse critique propice à l'indulgence, ceci n'était pas écrit d'avance !
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