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Critique de polinna


Virginie Reisz ne s'encombre pas de fioritures dans ce court premier roman autobiographique. Elle ne tolère que le mot juste pour évoquer la mémoire de son père, teintée - ne l'est-elle pas toujours? - d'imaginaire, lieu où le poids de l'amour n'a d'égal que la tristesse de la perte. "Sous les paupières, je le revois la démarche flottante, la nuque courbée, les mains croisées au bas du dos, humant au gré du vent l'air de la paix auquel il ne s'était jamais habitué". Ce père juif d'origine tchèque a traversé les tourments d'un siècle: il a connu la guère, la déportation, la torture et l'exil. La croyance est toujours restée la lumière de cette existence, faite de perpétuels départs, d'histoires de trains et de gares...

C'est de cet héritage dont nous parle l'auteur, de cet homme coupable d'avoir survécu, cet homme aux déchirures qu'elles n'a pas connues, auxquelles elle a eu peu accès mais qui ont pris une place immense, amplifiées par la force du non-dit, dans sa vie de jeune femme en construction. Autour du père adoré, à la fois insaisissable et pourtant "roc" fondateur, ce sont aussi les souvenirs généreux qui refont surface, de promenades où il est interdit de retourner sur ses pas, de jours de Chabbat, de lectures récréatives de la Genèse... L'enfance de la petite fille s'entremêle et se confond avec celle de son père dans le vertige d'une quête identitaire sensible et poétique.

Mais encore d'autres types de souvenirs lestent en profondeur le texte, angoissés: ceux de la fin de vie du père, de sa vieillesse, de sa trop grande solitude, impénétrable, et de sa mort inéluctable. L'écriture mime le battement d'ailes, à l'image de ce "Luftmensch" que la fille cherche à retenir dans ses filets, mais les réminiscences se posent doucement sur le papier, dans un souffle, puis s'échappent avec la légèreté et la fluidité de l'envol d'un papillon...

Ultime valse avec un père issu de cet Empire austro-hongrois d'un autre temps, douloureuse mais salvatrice, qui convoque une nostalgie sans pathos, prend la forme d'une prière d'adieu à la beauté simple. La dimension religieuse est certes très présente mais le réflexion proposée trouve une résonance en chacun de nous, sur le déracinement, sur l'héritage paternel, sur les souvenirs de l'enfance perdue, sur la pudeur inavouée face aux êtres chéris entre tous, sur l'absence définitive.
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