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Critique de Alexlemagnifique


Une réflexion sur le deuil ... qui foisonne de vie. L'attention aux personnages, la richesse psychologique correctement mixée à la dramaturgie sont rares en SF, si bien qu'on referme le livre en se disant qu'on ne vient pas vraiment de lire de la SF.
Il s'agit en fait davantage d'une vision cauchemardée de notre monde où l'homme cherche à dominer la biologie en jouant sur le genderfluid et en décidant du moment de sa mort... ou ici, en refusant le travail du deuil, les assassins d'enfant étant condamnés leur vie durant à prolonger virtuellement l'existence de leurs victime pour le confort mental des parents.
Un point de départ étrange donc, mais aussi à son service un livre foisonnant de vie. Il y a les tueurs enfermés dans un ermitage, tous affublés du prénom de leur victime, parmi lesquels frère Dylan, qui "reconstitue" avec une rage impuissante un enfant à la vie malchanceuse, frère Nicolas, dont l'enfant est trop parfait pour ne pas susciter de doutes sur la véracité de sa reconstitution, frère Nabilla, arrivé au bout du processus de dépersonnalisation engendré par une vie consacré à la mémoire d'un autre... Il y a le doyen du monastère, obsédé par les thèses déterministes qui lui permettent de se déculpabiliser des horreurs qu'il a commises ... au point de se laisser manipuler par frère Marjorie, la figure centrale autour duquel s'articulent toutes les péripéties de l'histoire!

Il y a aussi les parents de Marjorie, au début dévorés de souffrance, puis par la culpabilité lorsqu'ils vont vouloir mettre fin à la reconstitution de leur fille pour préserver leur santé mentale... car mettre fin à la reconstitution de Marjorie, n'est ce pas la tuer une seconde fois?
Il y a le "petit peuple" du programme, depuis le consultant psychologue arriviste jusqu'aux "petites mains" qui, occupées à reconstituer les enfants dans le monde physique, en viennent à les idôlatrer... là où certains citoyens sommés de faire partie de la vie de Marjorie ne savent que faire pour s'en dépêtrer (voir l'excellent personnage de Romain).

Et il y a enfin les enfants reconstitués du Programme, que l'histoire érige progressivement au rang de personnages à part entière: la "Sainte patronne" Séverine, légendaire car jamais reconstituée, Nicolas, Dylan, et naturellement cette Marjorie qui met l'histoire à feu et à sang, tant la parfaite reconstitution de sa personnalité charismatique déchaîne l'amour et l'exclusivisme, plaçant finalement en concurrence le tueur, l'Etat et les parents...
Tant pis si je spoile quelque peu (et je ne dis rien entre autres du twist final et des documents zarbi disposés un peu partout pour "authentifier" l'histoire), le tout est de donner une idée de ce roman hors normes qui laisse profondément troublé. S'il y a d'un côté les livres qui enfoncent les portes ouvertes et ceux qui ouvrent des portes dont on n'avait même pas idée, à coup sûr ce livre appartient à la seconde catégorie.
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