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Critique de BazaR


BazaR
09 décembre 2017
En 1983 Pierre Riché, historien spécialiste du haut moyen-âge, dépoussière l'histoire des Carolingiens.

Quand je dis « dépoussiérer », il s'agit de balayer définitivement les dernières interprétations nationalistes des événements de cette haute époque. L'auteur veut en finir avec les visions du 19ème et du début du 20ème siècle qui affirment que la France et l'Allemagne étaient déjà là, tapies dans les gênes des peuples, imbues de leurs particularismes, impatientes de s'étriper. A la place il veut montrer que les Carolingiens ont placé les germes de la civilisation européenne occidentale. Son Histoire englobe en effet le continent, montre tout autant la construction très vassalisée de la Francie que celle de l'Empire Romain Germanique, surtout sans les opposer mais en insistant leur irrigation commune.

Pierre Riché n'est pas moins l'esclave de son temps que les écrivains nationalistes du passé. J'ai ressenti son Europe comme un modèle pour ce que la construction politique européenne représentait quand il écrit ce livre : des peuples divers qui partagent une même culture. En 1983 il n'y a encore que dix membres de l'UE ; l'Espagne et le Portugal n'y sont pas encore mais les négociations sont bien avancées. On envisage avec plaisir de se fondre dans un fédéralisme qui éliminera définitivement la haine et les guerres et permettra au continent de parler d'une voix forte face aux grands ensembles américains, chinois et soviétiques (en tout cas j'y croyais moi). Ce livre est le reflet de cette vision, il en apporte une « justification » historique. Je suis persuadé que l'on ne parle plus des Carolingiens de la même manière aujourd'hui, en cette époque de technocratie ultra-libérale, de brexit, d'indépendance catalane et de braquage nationaliste un peu partout.

Dans un style clair et jamais ennuyeux, l'auteur évoque cette grande famille franque depuis ses premières armes en tant que maires du palais des rois mérovingiens jusqu'aux difficiles combats pour se maintenir au pouvoir de Louis IV d'Outremer ou Lothaire IV en passant par la conquête et la christianisation de nouveaux territoires par Pépin le Bref et Charlemagne. Il a l'art de pointer quand il le faut les événements que l'on reconnaît comme éléments constitutifs du futur âge médiéval : le monachisme conquérant de Benoît d'Aniane et de Cluny, la montée en force de la papauté et les premières tensions avec l'Empire, l'indépendance progressive des grands féodaux, etc. Toujours il défend les carolingiens, surtout ceux qui ont moins bonne presse comme Charles le Simple et ses successeurs. le livre montre aussi que les invasions n'ont jamais véritablement cessés : Lombards, Avars, Slaves, Normands, Hongrois, Arabes, cela n'arrête pas. Et parallèlement, la christianisation de ces nouveaux peuples progresse à un rythme « miraculeux » (hormis pour les Arabes bien sûr).

La dernière partie s'éloigne de la description chronologique pour se consacrer aux structures, aux lois, à la culture. Pierre Riché essaie de retrouver de grandes lignes, des intentions fondamentales qui traversent les siècles. C'est un peu plus aride, mais on en ressort plutôt convaincu que cette longue période qui va du VIIIème au début du XIème siècle, n'est pas aussi obscure que l'image d'Épinal voudrait nous en convaincre. L'ensemble est complété par un grand nombre d'arbres généalogiques et de cartes absolument indispensables pour suivre les innombrables héros de l'aventure.

Cet ouvrage est resté très longtemps à prendre la poussière dans ma bibliothèque. Je suis content de l'en avoir sorti. Il n'est pas convenable qu'un livre dépoussiérant prenne lui-même la poussière n'est-ce pas ?
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