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Critique de Alaindexe


À cinq ans, Jon voit son père tirer sur un homme. Son père était Nat Riccobono, tueur à la solde de Lucky Luciano, le patron de toutes les familles de la mafia de NY. « À neuf ans, j'étais incapable de mettre des mots sur ce qu'il m'enseignait. C'est devenu clair quand j'ai grandi : le mal est plus fort que le bien. Tuer, faire souffrir, faire peur, ça donne la maîtrise des situations et le pouvoir sur les gens. » [p. 36] En 1959, Nat Riccobono est expulsé en Sicile. Laissé à lui-même, Jon se joint à une bande de voyous du New Jersey, les Outcast, avec qui il apprend les rudiments de la vie de criminel.

À 16 ans, il se met à bosser pour son oncle Sam Riccobono, autre criminel endurci. Il est chargé de terroriser les mauvais payeurs. À la suite d'une affaire qui tourne mal, il est inculpé pour enlèvement et tentative de meurtre et envoyé en taule où il est repéré par les recruteurs de l'armée à l'affût de ce genre de type hyper violent : « Si tu t'engages, on efface ton casier judiciaire. » [p. 92] Jon se retrouve donc dans un camp de l'armée pour subir sa formation. Il est ensuite expédié au Viet-Nam dans une section de reconnaissance sous les ordres du sergent Steve Corker, réputé pour laisser un sillage de cadavres derrière lui. Son expérience dans les rues de NY ne l'avantage peut-être pas, mais « mieux que la plupart des gens, je pouvais supporter la douleur… et l'infliger. » [p. 95] En 1968, il est rapatrié aux É-U, suite à une explosion qui lui ouvre le dessus du crâne et l'oblige à avoir une plaque de métal.

Lorsqu'il est remis sur pied, il parle à Carlo Gambino de son projet de prendre le contrôle de certaines discothèques de NY. Gambino accepte mais l'oblige à s'associer à Andy Benfante, son ancien garde du corps. Ensemble, ils se mettent à écumer les club non-protégés par la mafia et partent sur une sacrée galère. Pour parvenir à les infiltrer, ils recrutent Bradley Pierce, un type naïf qui connaît tout le gratin de la ville : « J'ai fini par comprendre que Jon et Andy étaient de la mafia. Mais pour moi, l'esprit peace and love de l'époque passait avant les étiquettes et je voyais Jon comme un être humain. Je pensais qu'en allant avec amour vers les gens, quels qu'ils soient, on était forcément payé de retour. » [p. 150] Pendant que Bradley s'occupe des stars, Jon s'assure que tout roule sur des roulettes : « Si jamais quelqu'un cherchait la bagarre, des mecs à moi le traînaient dans l'arrière-salle pour le tabasser à mort, ou presque. Voilà comment je préservais l'esprit peace and love.» [p. 152] Un des passages les plus marrants est lorsqu'ils mettent du LSD dans le punch aux fruits. Ed Sullivan[1], un animateur de la télé réputé antidrogue, en vide un grand verre. le pauvre est si défoncé qu'il doit annuler son émission –The Ed Sullivan Show– plusieurs soirs d'affilée, ce qui rend furax l'oncle de Jon, fidèle téléspectateur de l'émission.

Après avoir bourlingué dans les clubs durant 5 années et avoir été impliqué dans plusieurs affaires louches –dont le meurtre d'un flic–, l'avocat de la famille lui conseille de quitter NY. Craignant pour sa vie, il saute dans une vieille Buick avec 600 $ en poche et un .38 et roule jusqu'à Miami. Là-bas, il contacte Bobby Erra, le fils d'un mafioso aussi cinglé que lui.

Son ascension comme cocaïne cowboy est fulgurante. Il s'associe d'abord à Albert San Pedro, un Cubain dont le passe-temps est de foutre le feu aux maisons de ceux qui lui résistent et de découper ses victimes à la scie à chaîne et donner les morceaux en pâture aux alligators. Jon finit par renconter Max Mermelstein, le représentant du cartel de Medellin à Miami. Il se lance alors dans l'importation et la distribution de cocaïne. Cette partie du livre est quasi surréaliste tant les faits dépassent l'entendement. L'importation de centaines de kilos de cocaïne requiert une organisation particulièrement bien huilée et le génie déployé par Jon et ses associés pour déjouer la DEA[2] et les Garde-côtes est remarquable. Avec tous ces millions qui lui tombent du ciel vient aussi un style de vie extravagant ; mannequins, cocaïne, voitures sport, maisons luxueuses, hélicoptères, bateaux… et nombre d'anecdotes hilarantes.

Lorsqu'il se fait finalement arrêter, il est condamné à 300 ans de prison pour avoir importé 56 tonnes de cocaïne : « Selon l'acte d'accusation fédéral, Max et moi, «représentants américains» du cartel de Medellin, avions passé en contrebande pour deux milliards et demi de coke… » [p. 690] Pour alléger sa peine, Jon dénonce certains collaborateurs dont le général Noriega : « Ce pédophile m'avait fait perdre cent cinquante millions de dollars ! » [p. 691] Sa peine de prison s'allège alors de 297 ans et il n'en purge que 3, « une farce au regard de mes crimes. » [p. 691]

Le récit est mené sous forme d'entrevues –la principale étant avec Jon Roberts. L'auteur, Evan Wright, a admirablement bien rendu la langue et l'humour acéré de Jon Roberts, et on se surprend à embarquer entièrement dans le récit, surtout lors des 200 premières pages. Evan Wright réussit à nous faire ressentir l'extraordinaire sensation de liberté d'un desperado qui vole, tabasse et tue en toute impunité. le récit conserve tous les noms des criminels, policiers, juges et politiciens impliqués, ce qui ajoute au réalisme. Avec ce livre, Jon Roberts entre par la grande porte au panthéon des criminels de renom. Si vous aimez les récits de gangsters, vous ne pouvez passer à côté de ce livre.

* écrit avec Jon Roberts.

[1] Il lança notamment Elvis Presley et les Beatles.

[2] Drug Enforcement Agency.

© Alain Cliche 2014
Lien : https://alaincliche.wordpres..
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