AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Haldir


Ah les sites de rencontres, quelle merveilleuse invention de ce XXIe siècle civilisé et si sage. Aux célibataires esseulés et abattus était faite la promesse de trouver l'Amour, avec un grand A, l'homme ou la femme de leur vie ainsi que les joies d'une escapade sur la plage, la brise marine caressant délicatement le visage de leur bien-aimé(e) ou d'un dîner aux chandelles, assurance d'une pure et sincère affection. Et pour ceux ne souhaitant pas s'embarrasser du poids de l'engagement, l'Éden virtuel de rencontre s'engageait à apporter sur un plateau d'argent tout un assortiment de partenaires potentiels et disponibles pour des nuits endiablées et sans lendemain. le monde était sauvé et les être humains libres de se donner la main pour s'élancer dans une vaste farandole colorée vers un futur radieux. Avec des licornes et des arcs-en-ciel pour couronner le tout.

Hélas derrière chaque rêve se cache une réalité et dans notre époque troublée, cette dernière n'est jamais bien sympathique. Face aux devantures cotonneuses et alléchantes des sites de rencontres, Stéphane Rose prend sa masse et tape dans le tas. Après avoir lui même été un utilisateur de ces sites, ce dernier a prit la plume pour nous faire part de son expérience tout en l'agrémentant de témoignages d'utilisateurs de plus en plus désoeuvrés.

Faut-il cracher dans la soupe quand on a soi-même été « consommateur » (le mot a son importance) de sites de rencontres ? La situation est-elle pourrie au point qu'il n'y a rien à tirer de ces derniers ? le quatrième de couverture le laisse à penser. Pourtant l'auteur nous rassure dès l'introduction : oui il est possible de rencontrer et de séduire en ligne, de « trouver son amoureux ou son amoureuse et de s'y désinscrire ». Mais là ne se situe pas le côté vicieux de la chose. Car selon Stéphane Rose l'utilisateur, en entrant en ces lieux, se laisse séduire par leurs possibilités infinies et change totalement sa manière de voir les relations. Pourquoi prendre son temps pour séduire (et a fortiori coucher) quand l'offre semble se renouveler en permanence ? Pourquoi se laisser séduire par la personne que l'on a en face de soi, avec ses défauts, ses failles et sa beauté quand les sites de rencontres proposent mille et un critères pour donner au « célibataire exigeant » (tiens, le slogan d'un de ces mêmes sites!) la possibilité de choisir un partenaire lui correspondant en tout point ? Les dangers qui guettent l'utilisateur sont nombreux : la projection amoureuse inconsidérée (tomber amoureux d'une personne virtuelle), les rencontres à la chaîne ou encore l'addiction (passer une soirée entière dans l'espoir de trouver quelqu'un), tout cela l'auteur l'a vécu malgré un « palmarès » respectable (2 relations longues et des dizaines de flirts) Fort de son expérience et des nombreux témoignages reçu (qui, nous dit-il, contiennent tous au moins une critique négative à l'encontre des sites) Stéphane Rose décline le tout en quatre catégories qui représentent chacune une partie de son livre :

1- Les exclus (ou la pseudo égalité sensée exister sur les sites de rencontres.)
2- Les mythos (ou comment le mensonge et l'art de la dissimulation y règnent en maîtres)
3- Les consommateurs (ou comment la rencontre y est déshumanisée)
4- Les névrosés (ou les conséquences névrotiques provoqués par la pratique des sites de rencontre)

Les exclus tout d'abord. Malgré les discours dithyrambiques que l'on retrouve sur la totalité des sites de rencontres (« Grâce à Meetic le bonheur m'a submergé tel le tsunami à Phuket en 2004 merciiii ! » ou encore « Maintenant je choppe au taquet ! Big up ! ») et les alléchantes photos de jeunes naïades/éphèbes qui ornent la devanture de ces sites (dont Irina, 23 ans, mannequin chez Elite et, curieusement, célibataire.... #ironie #pigeon #PourquoiCaArriveJamais?), la réalité est dure. Car au-delà des paillettes on retrouve des milliers d'annonces désespérées. du pauvre type au beauf en passant par les personnes n'ayant jamais su comment s'y prendre en amour, le bal des « perdants de l'amour » bat son plein. Finalement les sites de rencontres, malgré le Valhala qu'ils promettent ne sont qu'une transposition virtuelle de la réalité. Si les riches, les beaux, les funs et plus généralement ceux ayant saisi les codes de la séduction y sont les bienvenus et touchent le jackpot, les moches, les faibles, les analphabètes, les crétins et les ennuyeux quant à eux sont relégués aux oubliettes et devront se contenter d'une visite de 10 minutes sur Youporn. Pas besoin d'avoir un doctorat pour comprendre cela mais ça fait du bien à entendre. Et Stéphane Rose ne manque pas de nous ramener brutalement dans le monde réel. Pas de pilule bleue ou rouge. Pas de pilule tout court d'ailleurs. L'Homme doit se battre pour séduire et les sites de rencontres n'aident en rien. Même s'ils prétendent le contraire.

Les recalés de la séduction peuvent justement se servir du relatif anonymat qui règne sur les sites de rencontres pour se forger une image de séducteur. Quelques kilos en moins, quelques centimètres en plus, une photo avantageuse (le célèbre « Myspace angle » ) ou une vie plus excitante qu'elle n'est vraiment (« je suis photographe ! Si si j'ai un bridge et je fais des tof de mes besta ») Si le procédé est critiquable (et l'auteur abonde dans ce sens en nous narrant une anecdote éloquente sur le sujet) il n'en demeure pas moins qu'il est compréhensible vu le système actuel. Puisque se battre en amour est devenu la norme, autant mettre toutes les chances de son côté (même si cela passe par le fait d'appliquer les conseils de Sun Tzu sur la dissimulation) Ainsi les sites de rencontres sont farcis de menteurs, tant sur leur vie que sur leurs intentions (les personnes en couple souhaitant se rassurer sur leur potentiel de séduction – un des témoins de l'auteur allant même jusqu'à affirmer qu'une femme sur deux est dans cet état d'esprit et ne passera jamais à l'acte) ou encore sur leur situation familiale (ah l'homme marié qui veut pimenter le quotidien!)

En troisième acte de ce vaudeville des Internet (ou n'est-ce pas plutôt une tragédie?) viennent se greffer les consommateurs, ceux qui choisissent leur moitié comme on choisirait une cuisine en kit Molbalpa. Finalement l'effet pervers (et souvent assumé) de ces sites serait de favoriser la consommation de relations plutôt que d'aider à la rencontre. Exemple éloquent rapporté par l'auteur : lorsque vous vous désinscrivez de Meetic, on cherchera par tous les moyens à vous retenir en vous offrant des réductions sur votre abonnement. Car on sait que vous reviendrez (l'idée est plus ou moins la même sur Adopteunmec qui ne fait que désactiver votre compte sans pour autant le supprimer) du fait de la non gratuité de la totalité des sites de rencontres, beaucoup considèrent l'achat d'un abonnement comme un investissement sur l'Amour. Et un investissement se doit d'être rentable. S'ensuit un cynisme gigantesque de la part d'hommes et de femmes, considérant que le client est roi et qu'ils sont en droit d'obtenir tout et n'importe quoi des personnes qu'ils rencontrent puisqu'ils ont payés.

Enfin comment traiter complètement des sites de rencontres sans parler de la joyeuse (et nombreuse) bande de névrosés qui y officient ? Si le problème n'est pas l'apanage de ces seuls sites (après tout Internet est globalement un repaire de tarés) il n'en demeure pas moins qu'il est parfois flippant de les croiser dans ce genre d'endroit. Ainsi les dépendants affectifs, les solitaires névrosés hyper connecté (j'ai parfois l'impression que certains utilisateurs sont toujours connectés sur AUM) et les obsédés qui vous proposeront une levrette claquée au bout du deuxième message, s'épanouissent gaiement sur les sites qui rencontres dont les créateurs ne sont que trop heureux d'avoir des foldingues prêt à cracher leur thune (qu'ils ne dépensent pas en sorties)

Toutes ces thématiques, Stéphane Rose les développe une par une avec un style mordant mais non dénué d'humour. le rythme est là, les phrases claquent et le constat s'impose de lui-même au lecteur. Sans pour autant tomber dans le cynisme (que l'auteur critique), le livre traite en moins de 200 pages d'un sujet souvent rabâchés par les médias mais jamais approfondi. Si en le terminant vous en viendrez certainement à vous dire que la médiocrité à prit le dessus, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une lecture intéressante, passionnante même, toute en finesse et en style. L'ensemble des propos de l'auteur tapent dans le mille (et rejoignent l'idée que je m'étais fait du sujet) tout en étant d'une extrême pertinence. Et si, comme moi, vous continuez à utiliser des sites de rencontres (il me faut des soldats pour l'Empire) vous ne les verrez toutefois plus comme avant. A lire d'urgence.
Commenter  J’apprécie          50



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}