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Critique de hervethro


Avez-vous remarqué qu'on est toujours attiré par la période que nous n'avons jamais pu vivre ? Les personnes nées entre les deux guerres ne rêvent que des années folles, les baby boomers raffolent des années 30, les « fin de siècle » ont une nostalgie pour ces fabuleuses années 80 qu'ils n'ont pas connues… J'appartiens à la génération qui a une tendresse particulière pour ces années 50/60 du Quartier Latin et la révolte qui couve dans les rangs d'une jeunesse trop gâtée pour s'épanouir.
Génération raconte ces années-là par le menu. Un peu trop même.
Ce n'est pas un roman, mais un récit. le témoignage de ceux qui ont « fait mai 68 ». Il aurait peut-être mieux valu écrire carrément une fiction, mettant en scène une poignée de personnages centraux se débattant au milieu de faits et personnes réelles. Une sorte de Forrest Gump du boulevard Saint Michel.
Parce que, le récit écrit à quatre mains, se résume à un simple dictionnaire où défilent quantité d'acteurs plus ou moins connus du grand public. Mais un dictionnaire qui bouge, comme les personnages des tableaux de Poudlard, l'école du célèbre Harry Potter.
Génération se décline en deux volumes. Celui-ci raconte les années 60, de la guerre d'Algérie au joli mois de Mai en suivant les pérégrinations d'une foule d'acteurs positionnés forcément à gauche sur l'échiquier politique.
Entre Alger, Cuba et Budapest, dans les pas des syndicats d'étudiants tentant de se démarquer d'un parti communiste français trop rigoureux, trop sectaire. Parmi les maoïstes, les trotskistes et l'aile plus libérale inspirée par le PCI (parti communiste italien), que l'on surnomment justement les Italiens. On croise le Ché, Kroutchev, Papon, Mao mais surtout et essentiellement une bande de jeunes en manque des faits de résistance de leurs ainés (le conflit mondial n'a pas 15 ans) et d'un combat politique fort.
Un récit qui sonne comme un roman, du moins c'est ce que promet la quatrième de couverture.
Puis, à trois chapitres de la fin, nous sommes le 3 Mai 1968. La machine s'emballe. Et le talent de romancier des deux auteurs reprend le dessus. On halète comme si on participait aux barricades, on tremble devant des CRS déchainés, armés de haine (je repense à un documentaire diffusé sur France Télévision pour la commémoration des 50 ans du joli mois de mai, donnant la parole pour la première fois aux flics d'alors. Pas ou peu de repentance mais se posant en victimes. Une honte ! Les vraies victimes étaient les jeunes et, accessoirement, les badauds et les riverains qui n'avaient rien demandé – tout cela apparait dans ces pages de fièvre).
La force du mouvement c'est qu'il nait comme une étincelle. Tous les apparatchiks des divers mouvements gauchistes qui ne faisaient que débattre depuis la fin de la guerre d'Algérie et qui intriguaient pour une question de pouvoir (de longues pages assez ennuyeuses, bardées de sigles des divers groupes, des « je t'aime… moi non plus » évoqués entre ceux qui pensent pareil mais pas de la même manière) ont été les premiers surpris par le déclenchement de ce qu'ils rêvaient au fond d'eux-mêmes. La CGT et le PC freinaient déjà de tous leurs freins. Preuve que, dans une société figée, même les contre-pouvoirs sont bien rangés des voitures et préfèrent leur petit train-train d'opposants officiels au grand chambardement.
Ce pavé (le jeu de mots était trop tentant !), est entrecoupé parfois de flashbacks à rebours, scènes fugaces vingt ou vingt cinq ans plus tard, illustrant cet aphorisme cinglant : « ils voulaient changer le monde ; c'est le monde qui les a changé ».
Reste un formidable document sur une époque où les idéologies avaient encore quelque chose à promettre, où les rêves pouvaient être vécus, où l'avenir nous appartenait. La force de cette jeunesse d'après guerre était d'être encore des enfants. En 2020, même les ados ont mûri trop vite : ils ne pensent qu'à défendre leurs droits à la retraite. Les passions qui menaient souvent dans des impasses extrémistes ont été remplacées par une raison qui interdit tout débordement, toute utopie, tout rêve. Nous avons grandi trop vite.
Tout ça s'est dilué dans une globalisation sans retour, même les revendications ne dépassent guère le niveau des pâquerettes : le carburant moins cher.
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