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Critique de Pol-Art-Noir


Collard et Jaubert sont flics. Ils sont en route pour le garage de Sam, sur les hauteurs de Cassis. Secrètement envieux ou amoureux de la jeune femme, ils viennent l'emmerder pour ne pas avouer qu'ils passent leur temps à la reluquer.
C'est lorsqu'ils lâchent l'affaire que le passé ressurgit. Franck, l'ex-complice d'Antoine, le père de Sam, vient de sortir de prison. Leur dernier braquage s'est mal terminé : lui a pris huit ans et Antoine a disparu avec le magot.
Franck a bien fini par le retrouver, dans un hospice, mais la tête en vrac. Il a besoin de sa fille pour lui rafraîchir la mémoire.
Sam a fait partie de cette bande de braqueurs indépendants, à l'écart du milieu, mais un an avant l'affaire de trop, elle avait mis les voiles. Un abandon vécu comme une trahison par Franck, qui avait bien failli la descendre alors.
Aujourd'hui il lui impose de « déverrouiller » la mémoire de son père et de récupérer le magot perdu. On ne dit pas non à Franck…

C'est trop con ! Il a 500 000 euros planqués dans le cerveau, il doit bien y avoir un moyen d'aller les dénicher !

Pas d'entrée en matière. On est plongé direct dans le vif du sujet. Christian Roux, percutant, n'a pas de temps à perdre, et c'est tant mieux. le roman est court, resserré, intense, et démarre dans une ambiance à la Fast ans Furious : bagnoles, gros bras, braquages, poursuites, dialogues réduits à leur plus simple expression, et famille.

Et puis on oublie bien vite de cinéma hollywoodien et ses exagérations pour entrer dans une histoire de braqueurs et de famille. de famille de braqueurs. Une famille recomposée. Antoine et Franck sont des amis de toujours. Avec Julie, l'inséparable amour d'Antoine, rencontrée à l'orphelinat et jamais quittée depuis, ils ont monté un gang réduit à sa plus simple expression, spécialisé dans le trafic d'or. Vivant à l'écart, discrètement, ils ont mené leur affaire. Samantha et née, a grandi dans ce microcosme fermé au monde. Jusqu'au drame : la mort de sa mère lors d'un coup mal préparé. Sam a continué à grandir, elle a fini par prendre la place de la disparue, mais à vingt ans on ne peut se résoudre à vivre dans un monde si étriqué, entre un père trop dur et son acolyte de toujours. Alors elle s'enfuit, avant que ça ne tourne mal.

Que les choses soient bien claires, mon vieux. Je ne reviens pas. Je ne suis pas là pour jouer la grande dégoulinade hollywoodienne entre le pépère et sa fifille qui enfin se comprennent, se sont toujours aimés, mais la vie et blablabla et blablabla… Dès qu'on a retrouvé ce putain de trésor planqué dans ta putain de mémoire, tu rentres dans ton trou à rats, moi dans le mien, et basta, fin de l'histoire.

En à peine cent cinquante pages, Christian Roux nous balade d'un bout à l'autre de la France sur les traces du passé de Sam. Fille de est l'occasion de retrouvailles entre un père et sa fille. En tentant de raviver sa mémoire défaillante, ce sont ses propres souvenirs que Sam, personnage inoubliable, fait remonter. Il y est question d'attachement, de filiation, de comment l'enfant se détache du père pour ensuite s'en rapprocher. Il y est question d'amour, de deuil aussi, comme celui de cette mère absente, trop tôt disparue, de la douleur.

Et l'auteur d'intervenir personnellement alors dans son récit, de s'y inscrire, avec une infinie délicatesse, évoquant ses propres plaies, béantes.

Mariant le temps et l'espace, Christian Roux nous offre avec Fille de un régal de roman noir, épuré jusqu'à l'os, intense et brillant, sensible et brutal à la fois, ponctué par la musique et les textes de Tom Waits. Sans oublier la qualité de sa plume trempée, dans l'encre d'or :

La salle de classe, elle, était toujours la même. Des rangées de tables monotones derrière lesquelles des enfants, aussi sagement assis que s'ils avaient été enchaînés au fond d'une cale, apprenaient sans le savoir que mourir n'était peut-être pas la pire des choses : il allait falloir vivre, entre-temps. C'est-à-dire se soumettre aux lois. Celles du calcul, de la grammaire, de l'orthographe, de la lecture, du dessin, de la classe, de l'école, de la rue, de la ville, de la république, du continent, du monde et peut-être un jour de l'espace. Un monde complexe divisé en deux catégories : ce qui est juste et ce qui est faux. Jusqu'à ce que s'opère un glissement sémantique pernicieux : ce qui est bien et ce qui est mal. Ce qui est conforme et ce qui ne l'est pas.
Lien : https://polartnoir.fr/livre...
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