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Critique de Kirzy


« Vraiment, Antoine, vous allez encore vous plonger dans le jeu ? Quand donc cesserez-vous cette fuite en avant ? Si au moins vous aviez l'audace d'aller à fond dans la démesure... C'est ce dernier grief qui vous pique, car il réveille le véritable parieur qui sommeille en vous. le joueur total, prêt à miser sa montre et sa chemise, les clés de sa bagnole, enclin à signer n'importe quel papier pourvu que l'adrénaline soit au bout. »

Antoine décide de jouer le tout pour le tout, l'entièreté de sa vie pour tenter de se défaire de ses addictions, les unes après les autres. All in ! Un ultime face-à-face avec le sort qui le plonge dans un monde parallèle, fantastique où tout est possible, où tous les possibles peuvent s'exprimer. On le suit dans un labyrinthe sans fil d'Ariane où s'enchaînent ses démons intérieurs comme autant de cercles de l'enfer pour une errance qui semble éternelle entre addictions au jeu, au fric, à la nourriture, au sexe, à l'alcool.

Le récit est audacieux. Il n'y a pas vraiment d'histoire de type romanesque, juste un personnage que l'on suit d'une scène à une autre, de Charybde et Scylla, avec un narrateur omniscient et acerbe qui s'adresse continuellement à lui à la deuxième personne du pluriel. Ce « vous »envahit le récit, houspille, sermonne, fustige, tance, raille Antoine tel un procureur intransigeant. Peut-être ce « vous » inquiétant s'adresse-t-il au lecteur en le prenant au collet ? Mais les addictions décrites sont tellement poussées à l'extrême qu'il est difficile de se sentir visé si on n'y a jamais succombé à s'en noyer.

Charles Roux ne cherche jamais à rendre son personnage sympathique ou a développé chez le lecteur une quelconque empathie à son égard. En fait, durant toute la lecture, je me suis demandé quelles étaient les intentions de l'auteur, je n'ai toujours pas de réponse. Choquer ? Certaines scènes le sont, notamment toute la partie orgiaco-sexuelle. Déranger ? le lecteur passe par beaucoup d'émotions et de sensations allant jusqu'au dégoût et la nausée. Dénoncer la société capitaliste, société du trop dévorée par l'excès ? Assurément un peu tout cela. Ce qui est sûr, c'est que je pense que pour que la charge soit d'intensité maximale comme l'auteur semble le vouloir, il faut lire ce court récit cul sec.

Est-ce que j'ai aimé ? Bonne question. Les Monstres, précédent roman de l'auteur, sur une thématique « morale » finalement assez proche, m'avait impressionnée par sa mise en scène et sa capacité à pousser le lecteur dans ses retranchements et à se questionner sur le monstre qu'on a en nous : qui est le monstre ? Celui qui affiche sa monstruosité par ses actes ou celui qui masque ses turpitudes pour conserver un vernis civilisé ?

La Maison de jeu m'a semblé être un exercice de style plus « gratuit » dans le sens où je me suis sentie en total surplomb sans me sentir vraiment concernée, et donc moins perturbant. Je le regrette parce que finalement, je referme La Maison de jeu plus fatiguée que dérangée dans mon confort intérieur. D'autant que le filtre fantastique devait permettre de transfigurer le sujet pour aller plus loin.

Malgré ces réserves, ce texte imprime des images assez dingues, stupéfiantes et marquantes, comme lors de la scène de submersion alimentaire ou celle de la fellation par une mendiante dans la rue. Surtout, Charles Roux a le style flamboyant, son écriture aux phrases polies mais aux arêtes saillantes, donne tout à voir tout en laissant la place à l'imagination du lecteur. Vraiment un tour de force qui vaut pour la qualité de l'écriture. Je lirai donc le prochain avec grand intérêt.
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