AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Tandarica


Que dire encore après plus d'une centaine de critiques, presque 400 évaluations et un prix Arsène Lupin — 2018 ?

J'en suis arrivée à lire ce livre par un très heureux hasard. Je l'avais repéré sur babelio et je l'ai trouvé, par la suite, dans la boite à livres (qui sert aux désherbages réguliers ou aux abandons divers) de ma médiathèque. Quelle chance ! Je tenais, en effet, beaucoup à découvrir Aurel Timescu, ce personnage assez improbable et si véridique à la fois, qui m'a fait bien rire. C'est chose faite à présent et je dois dire que j'ai beaucoup aimé. J'ai trouvé la fin intéressante, mais comme je n'ai pas l'intention de dévoiler l'intrigue, je vous propose simplement une « compil » (liste non exhaustive) de citations (certaines déjà présentes sur le site) qui contribuent à réaliser le portrait du consul et qui ont donc, en principe, un lien avec la Roumanie dont je suis également originaire (l'indication de page fait référence à l'édition poche folio n° 6676). Je trouve qu'elles en disent long sur la perception de ce pays par un Français. Je trouve également préférable de le publier dans sous cette forme « rassemblée » plutôt qu'en citations éparses :

Son patronyme se termine en « -escu », ce qui est typiquement roumain :
* – Je suis M. Aurel Timescu, dit-il en prononçant son nom à la roumaine. (p. 49)

Sur l'accent :

* Le problème, comme toujours, c'était l'accent. Avec sa voix qui déraillait, ses « r » roulés et ses intonations de paysan du Danube, Aurel savait qu'il était difficile de se présenter à un inconnu au téléphone sous le titre « consul de France ». Cela sentait le canular et on lui avait plusieurs fois raccroché au nez. (p. 49)

Sur son enfance en Roumanie et la nostalgie qu'elle suscite, malgré les « rigueurs » du communisme  :

* Il pouvait par exemple rester des heures devant une photo de classe qui représentait son aïeul, le père de sa mère, qu'on appelait le rabbin Kahen, avec ses élèves à l'école juive de Timișoara. Aurel regardait chacun des enfants, qui devaient être morts maintenant ou très âgés, et il imaginait leur vie. Parfois, c'était sa grande famille paternelle, assemblée autour du prêtre pour une fête catholique, qu'il regardait. Son père était facteur, huitième enfant d'une fratrie de douze. Tous les ans, il se rendait à la campagne près de Brașov et se devait de participer au grand rassemblement familial qui se tenait à la fin de l'année. La plupart de ces visages de paysans étaient inconnus d'Aurel mais il ne se lassait pas de scruter leurs traits rudes. (p. 73)

* Il avait été élevé dans un pays désorganisé où il fallait faire la queue à tout propos. Ce qui était difficile pour lui c'était de conserver dignité et volonté dans de telles ambiances. Son premier réflexe dans la foule était de retrouver la soumission et la passivité que le monde communiste exigeait de ses sujets. (p. 80)

* La vie l'avait doté, par la force des choses, d'une résistance inépuisable face à des vexations bien plus humiliantes. La Roumanie de Ceaușescu, où il avait grandi, était à cet égard une école d'une exceptionnelle rigueur, qui armait à jamais contre la bêtise et le mépris.

* Aurel comprit qu'une seule expression était de mise : l'admiration. Il s'était exercé très tôt, sous la botte de Ceaușescu à cet exercice et savait composer le visage qui convenait. Étonnement, approbation, soumission et terreur devaient être nettement perceptibles par l'interlocuteur, en sorte que celui-ci pût être assuré d'un complet triomphe. 

Sur le régime liberticide de Nicolae Ceaușescu qui peut expliquer sa soif de justice :

* Il avait eu une image fugitive des geôles de Ceaușescu, où, triste privilège, il avait été retenu plusieurs fois et accusé de « conduites antisociales ». (p. 141)

* En même temps, il avait la perspective de bien s'amuser et d'accomplir un acte de justice. Tout ce qu'il aimait dans la vie, en somme. (p. 241)

Sur son « addiction » au tokay (p. 76) : c'est très drôle, car il s'agit en principe d'un vin réputé en Hongrie, pays avec lequel les Roumains entretiennent des relations similaires à celle entre la France et la Belgique. En même temps il faut reconnaître que les meilleurs cépages roumains sont des vins blancs. Par ailleurs, il y a un peu de sang magyar qui coule dans ses veines (cf. p. 98)

Sur la perception de la mort :

* Aurel, par sa culture, croyait à la présence des morts. Dans la campagne roumaine où il était né, les défunts étaient là, attentifs, protecteurs ou malfaisants. La plupart des rites paysans visaient à les neutraliser, à les apprivoiser, à les conjurer. Dans sa famille, du côté de sa mère, on n'avait que mépris pour ses pratiques magiques. Mais dans la branche paternelle, à la fois valaque et magyare, on ne plaisantait pas avec ces choses. Aussi Aurel était-il persuadé qu'après avoir regardé Mayères en photo ces derniers jours, c'était le défunt qui, aujourd'hui, l'avait regardé. (p. 98)

Sur la perception (idéalisme naïf ?) de la France et de l'Ouest (l'Occident) par un Roumain :

* En Roumanie, quand il était jeune et qu'il rêvait de la France, Aurel s'était fait une certaine idée de l'élégance française. Celle des femmes, bien sûr, mais aussi celle des hommes. Il en était resté sur ce point à des notions tirées de romans De Maupassant, corrigées par les films des années trente. Il comprenait que cannes, chapeaux ou épingles à cravate aient disparu. Mais il imaginait toujours les Français amateurs de costumes de belle coupe et de tissus riches. Ce qu'il avait découvert en arrivant l'avait consterné. Il ne s'était jamais tout à fait habitué aux pantalons tire-bouchonnés, aux couleurs mal assorties, aux chaussures jeunes accompagnant des costumes bleus et autres hérésies qu'il avait sous les yeux tous les jours. (p. 133)

* – Quand je suis arrivé en France, je rêvais de devenir policier. C'est idiot, me direz-vous. Peut-être, mais il faut comprendre que là-bas, en Roumanie communiste, les seuls films qui venaient d'Occident étaient des histoires d'aventuriers ou de flics. On était nourris à Belmondo et Delon. (p. 175)

* Quand il vivait en Roumanie, Aurel s'était habitué à ce mariage permanent de la respectabilité et du crime. Les dignitaires communistes avaient tous l'air de mériter Marx sans confession. Et pourtant, ils cachaient sous ce masque la corruption, le mensonge, la violence. En arrivant à l'Ouest, Aurel avait voulu croire qu'il avait rejoint une terre de vérité où les méchants ont l'air de méchants et où l'on peut faire confiance aux braves gens. Au fond de lui, il savait que c'était faux. Mais il voulait y croire. (p. 219-220)

Sur la manière dont il est arrivé en France, il est vrai que la Roumanie « vendait » ses ressortissants qui voulaient quitter le pays, surtout les Juifs.

Enfin, une dernière, intéressante :

* Quand il était arrivé à l'Ouest, Aurel avait été pris en main brièvement par la DST. Les services français voulaient lui faire espionner la diaspora romaine. (p. 266)
Commenter  J’apprécie          1060



Ont apprécié cette critique (93)voir plus




{* *}