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Critique de Mermere


Je remercie les éditions Equateurs pour l'envoi de ce livre dans le cadre de la masse critique Babelio.

Je suis très heureux d'avoir lu ce livre, oui, malgré son sujet extrêmement douloureux car il m'a bouleversé, que dis-je il m'a anéanti. Il a répondu aux interrogations que je me suis longtemps posé sur cette période trouble de la montée du nazisme en Allemagne. Oui la seconde guerre mondiale a été horrible, injuste, ultra-violente, les mots manquent pour la décrire, mais ce qui m'a longtemps intéressé c'est plutôt de savoir comment une telle horreur avait pu se mettre en place. Pour moi la période de la guerre est trop détachée de ce contexte historique précurseur. Dans les livres d'histoire on aborde la seconde guerre mondiale dès 39, ce qui est logique certes, mais du coup l'horreur arrive, permettez moi l'expression, comme un cheveu sur la soupe, ex-nihilo. Oui oui on aborde parfois la Nuit de Cristal, l'arrivée au pouvoir d'Hitler, l'incendie du Reichstag mais tout ça est trop ponctuel et on ne prend pas le temps de se poser pour comprendre, à moins d'aller piocher des ouvrages sur le sujet en bibliothèque, ce que je n'avais pas fait. du coup ça trottait dans ma tête depuis des années : mais comment un pays civilisé a pu être amené à faire ça et comment l'horreur a-t-elle pu s'installer dans le quotidien allemand sans réaction massive de la population ? On voit souvent l'Allemagne des années 30 comme quelque chose d'abstrait, d'irréel, un royaume sanguinaire d'un horrible conte qui serait apparu tel quel mais l'Allemagne de l'époque était un pays comme la France. Civilisé, avec son système éducatif, son système juridique, ses politiques, ses partis et des élections démocratiques, une république avec ses gens "normaux", un pays comme nous actuellement finalement.

Imaginez qu'en France aujourd'hui on commence par prendre des lois contre les juifs en disant qu'ils sont inférieurs, puis qu'on décide de lois de "protection" qui permettraient d'enfermer dans des camps toute personne qui serait hostile à la politique mise en place. Imaginez qu'en France aujourd'hui, on se mette à dénoncer n'importe qui, qu'on enferme à tour de bras sans preuves, qu'on tabasse des gens dans des cellules ou dans la rue sans que personne intervienne... C'est ce qui est arrivé en Allemagne dans ces années là. Et ça parait tellement incroyable. le livre nous éclaire énormément là-dessus, sur le verrouillage de la population par les SS et sur l'instauration d'une politique de terreur. Lors du procès de Nuremberg, c'est ce qu'à voulu démontrer Warren Farr et que l'on comprend mieux à la lecture du livre.

Le livre est absolument indispensable pour comprendre cette période noire dans laquelle ont brillé quelques rares étoiles, comme le héros Hartinger, substitut du procureur de Munich qui, à la manière d'un Schindler, a tout fait pour montrer la cruauté des nazis et pour empêcher ces crimes atroces commis dans les camps.

L'oeuvre de Ryback est d'une richesse époustouflante, les anecdotes sont légion, approfondies, éclairantes et terribles à la fois. Tout est écrit avec précision, au millimètre près, au détail près, c'est impressionnant. Je redoutais un peu de lire une thèse sur la montée du nazisme, avec son côté universitaire trop appuyé, trop pointu mais ce n'est pas du tout le cas ici. le livre n'est pas un roman mais ça se lit très bien, on est plongé dans l'horreur mais l'écriture est fluide et parfois proche du romanesque dans la construction du récit. Les quelques illustrations au centre du livre sont très intéressantes et apportent un éclairage sur ce qu'on a lu. Je reconnais n'avoir pas eu le courage de lire toutes les notes en annexes qui sont très précises mais qui ralentissent la lecture. Je me doute être passé à côté d'une part considérable de recherches et de travail de l'auteur mais je ne voulais pas surcharger ma lecture.

Ce livre m'a bouleversé sur l'horreur des crimes commis. On connaît tous ces scènes de torture vues dans les films, on connaît tous ces images d'humains décharnés regardant l'objectif de l'appareil photo entre deux lignes de barbelés à la libération des camps de concentration mais là j'ai découvert l'horreur de Dachau et de ses séances interminables de sévices sur des êtres humains innocents (sauf aux yeux des nazis). Les violences subies dans les cellules d'isolement sont à faire vomir et on se demande bien comment des hommes ont pu soutenir ne serait-ce qu'une minute de tels déchaînement de violences. Certains détenus comme Götz, Beimler ou Hurtinger ont été torturés et tabassés plusieurs fois par jour, par plusieurs hommes (quelle lâcheté, c'est d'ailleurs ce qui caractérise selon Ryback le régime nazi). Je me suis mis parfois à la place de ces hommes et quand on se dit que c'est vraiment arrivé les larmes nous montent aux yeux : pauvres humains, pauvres gens, qu'ont-ils penser à ce moment là ? Quel courage ils ont eu... J'ai été subjugué par le récit concernant Beimler qui malgré des violences inhumaines à son égard, sur du long terme en plus, a malgré tout réussi à s'échapper du camp (l'un des rares d'ailleurs). J'ai vraiment eu envie d'en savoir plus sur cet homme qui a réussi à se sauver de cet endroit inhumain...

On est plongé au coeur du système nazi dans ce livre. On découvre tous les rouages, toute la sclérose mis en place par les nazis dans les administrations afin de tout contrôler. On découvre des choses à pleurer comme ce ministre qui prend un décret pour protéger de la barbarie les animaux pendant leurs transports en train (!!!!) et qui veut tout faire pour le bien être des animaux pendant que dans le même temps des humains se font trucider dans des conditions insoutenables... On découvre aussi tout le système de pensée d'Hitler qui voulait cacher au monde toutes ces atrocités et faire passer l'Allemagne pour un grand pays (comment ce journaliste du New York Times visitant Dachau après le meurtre des 4 juifs a-t-il passer à côté de ça et trouver Wäckerle, le chef du camp, réputé pour sa violence, "agréable" ?).

J'ai été fasciné par ce livre, par sa richesse et par ses détails, par sa construction presque romanesque qui nous happe et nous tient en haleine, par cet éclairage sur une période terrible qui m'a souvent interrogé. Si vous vous intéressez à cette période foncez, vous ne serez pas déçu par cette oeuvre magistrale d'une grande intelligence.
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