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Critique de 5Arabella


Le roman s'ouvre sur le retour dans son village du narrateur, un Soudanais parti faire ses études en Europe, venu revoir sa famille, avant d'aller faire une carrière dans la capitale. Il rencontre et devient intrigué, voire fasciné par Moustafa, un étranger au village, venu s'y installer, marié à une femme de l'endroit. Cet homme semble cacher un secret, et le narrateur va essayer de le découvrir, de comprendre la vie de cet homme. Moustafa va finir par se livrer à celui qui a un certain nombre de points communs avec lui, et faire le récit d'événements marquants de sa vie, faire le narrateur dépositaire de son existence. le récit est fait pour le lecteur par bribes, nous ne découvrirons les éléments signifiants de cette vie que petit à petit, jusqu'à la fin du roman. En même temps se mêlent à la vie de Moustafa des éléments de la vie du narrateur, qui d'observateur désincarné devient acteur, ressent et vit des choses importantes, qui font écho à la vie de Moustafa. Et se superposent à cela des descriptions des habitants du village, des morceaux de leurs vies, qui interfèrent avec les vies de nos deux personnages principaux.

Il s'agit d'un texte très dense, dans lequel les thèmes et les contenus abordés sont terriblement nombreux et complexes, impossible de tous les évoquer. La richesse de ce roman fait qu'il m'est difficile d'en parler sans avoir l'impression d'être très réductrice et ne pas rendre justice à ce livre.

L'un des éléments essentiel est l'écriture de Tayeb Salih, une écriture très travaillée, très poétique, précise et en même temps, laissant la place à l'imaginaire du lecteur. J'ai eu au début l'impression de quelque chose d'artificiel, d'autant plus que le récit nous révélait les choses très progressivement, mettait un certain temps à s'installer, avec des personnages abordés avec détachement par l'auteur, qui n'essaie pas de nous les rendre sympathiques ni attachants, à donner des justifications à leurs actes. Mais au fur et à mesure, les choses se mettent en place, et ce qui semblait les sujets du livre, rapport entre les ex-colonisés et les ex-colonisateurs, le choix entre la tradition et la modernité, se complexifiaient et ces sujets n'étaient plus forcement les seuls importants, au lieu de se diriger vers une conclusion un peu attendue, le livre ouvrait presque à chaque page d'autres perspectives et approches, et j'ai été complètement happée.

J'ai été tout particulièrement émerveillée de la façon dont l'auteur avec son écriture précieuse et détachée rend compte de la passion amoureuse, une passion qui confère à la folie par son intensité et son masochisme. L'intrinsèque impossibilité des rapports hommes femmes est rendu d'une façon au combien subtile, j'ai été au combien admirative de la manière dont l'auteur rend cela, il évoque évidemment la violence faite aux femmes par les hommes, et sans prendre des gants, mais il suggère aussi que cela ne se réduit pas à cela.
Il rend sensible à quel point l'individu conscient n'a par réellement de marge de liberté, par rapport aux normes de la société dans laquelle il vit, par rapport à l'héritage de l'Histoire, et aussi de son histoire, forgée par les générations qui l'ont précédées ; ses héros qui ont confrontés à une autre culture, sont d'une certaine façon peut être plus sensibles à leurs déterminismes, mais ne peuvent s'en échapper pour autant, ce qui les rend profondément tragiques, et nous parle du tragique de la condition humaine.

Un livre qui a été marquant pour moi, et que je relirai très certainement car j'ai sais que je suis loin d'en avoir épuisé tous les sens et toutes les richesses.
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