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Critique de Moglug


Le livre noir des violences sexuelles est un livre essentiel. En tout premier lieu, je tiens à remercier l'auteur, Muriel Salmona, psychiatre et chercheuse spécialisée en psychotraumatologie, pour sa rédaction.
L'ouvrage fait le point dans un premier temps sur les chiffres des violences sexuelles en France et dans le monde, à l'encontre, des femmes et des enfants en particulier. Les chiffres sont sidérants : 20 à 30% des personnes seraient concernées par ce type de violences au cours de leur vie. Plus grave, le manque d'écoute, l'isolement et l'incompréhension font que moins de 10% des victimes portent plaintes. Et lorsqu'elles portent plainte, le déni ou la non-reconnaissance sont souvent de mise. La victime est soupçonnée de mentir, alors que les allégations mensongères des victimes sont inférieures à 3%. Muriel Salmona développe tous ces chiffres de manière très détaillées. Elle rapporte les processus aboutissant à l'aveuglement de la société quant aux agressions sexuelles. Elle n'hésite pas à rappeler l'affaire D. Strauss-Kahn pour appuyer ces propos.
Cela dit le livre de Muriel Salmona ne se contente pas d'énumérer les chiffres. La psychiatre s'attache bien davantage à expliciter les conséquences de ces violences et les symptômes post-traumatiques que subissent les victimes. Ces dernières, lorsqu'elles ont subi des violences sexuelles dans leur enfance souffrent souvent d'amnésie à l'âge adulte. Elles en viennent alors à consulter des psychologues pour soigner des phobies non expliquées, des crises d'angoisse. Souvent, ces symptômes sont analysés sous l'angle de la psychanalyse freudienne et d'un éventuel complexe d'Oedipe. L'analyse peut durer des années et ne porter aucun fruit positif. Muriel Salmona décrit très précisément les comportements dissociants que les victimes vont mettre en oeuvre pour échapper au stress et déclencher une crise leur permettant de s'affranchir de toute émotion. Ces comportements autodestructeurs seront le plus souvent mal interprétés par l'entourage, renforçant l'idée que la victime "l'a bien cherché". En réalité, la victime reproduit inconsciemment l'événement traumatique qui tourne en boucle dans son subconscient jusqu'à provoquer une disjonction du cerveau, ce qui lui apportera une forme de soulagement momentané en la dissociant de son corps et de ses émotions au prix d'une réitération du traumatisme. Dans certains cas, les victimes deviennent elles-mêmes agresseurs lors de l'une de ces crises. Certaines d'entre elles se sentiront coupables a posteriori et iront consulter un psychologue. D'autres en revanche, plus rares, seront sans scrupule et perpétueront le cycle infernal de la violence que dénonce Muriel Salmona. D'où l'importance d'une prise de conscience de la société en vue d'enrayer ce cercle vicieux. Muriel Salmona présente ensuite quelques moyens à mettre en oeuvre pour soigner les victimes, prévenir les crises d'angoisse, identifier leur élément déclencheur afin de les déconstruire. le pénible objectif à atteindre est de refaire advenir à la conscience l'ensemble des violences subies pour désamorcer les ressassements inconscients, sources d'une profonde angoisse, de douleurs inexpliquées et de comportements auto-destructeurs. le traitement du stress post-traumatique est au coeur des propos de Muriel Salmona. Pour accompagner ce processus, elle s'appuie notamment sur l'art et sur les thérapies cognitives et comportementales.
Le livre est émaillé de plusieurs témoignages entrecoupant chaque chapitre et venant illustrer leur contenu.
Le livre noir des violences sexuelles est un livre essentiel à mettre en priorité entre les mains des personnels médicaux, des magistrats et des policiers afin d'accélérer et d'améliorer la prise en charge des victimes. le manque de cohérence des discours des victimes, plutôt que de les disqualifier devant la loi, devrait bien davantage contribuer au faisceau d'indices qui aboutira à prouver la culpabilité des agresseurs et à leur condamnation.

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