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Critique de Henri-l-oiseleur


La poésie, qui exprime les émotions et passions humaines, a pris en charge, dès l'origine, la douleur des individus comme des peuples soumis aux catastrophes de l'histoire. Les scribes sumériens placèrent en l'an 2004 av. J.C. la "chute" de la troisième dynastie d'Ur et la prise de la capitale, et transmirent des poèmes de lamentation collective sur cet événement. Ils fondaient ainsi un genre dont l'exemple le plus connu et accessible est le livre biblique des Lamentations, écrit à l'occasion de la chute de Jérusalem, un millénaire et demi plus tard. Tout amateur de musique vocale connaît les chants sublimes que François Couperin a tirés de ce livre pour ses offices de Ténèbres du Jeudi et Vendredi Saints.

Nilli Samet introduit, traduit et commente ce vieux poème sumérien, ancêtre de tous nos pleurs poétiques, et pose les problèmes inhérents au genre de la lamentation : comment, dans un cadre politique et social donné, oser se plaindre d'un état de choses ancien et détruit ? Et comment, dans un cadre religieux contraignant, justifier aux yeux du croyant que Dieu, ou les dieux, aient pu abandonner leur ville, laisser leurs fidèles aux mains des barbares, tout en restant des dieux justes et bons ? Sur le plan politique, regretter le passé, c'est dénigrer le présent bâti sur les ruines d'un monde ancien qui a été meilleur que lui ! (Aujourd'hui encore, le macronisme fera de vous un affreux passéiste qui radote "c'était mieux avant"). Et au plan spirituel, il est bien difficile de "pardonner" à Dieu (ou aux dieux) de nous avoir ainsi livrés aux mains des assassins étrangers ! Nilli Samet, spécialiste israélienne de Sumer, sait bien cela.

En Mésopotamie, la difficulté politique était résolue par l'usage liturgique de la lamentation lors des restaurations, des refondations d'édifices détruits, à l'initiative du pouvoir en place, qui succède à l'ordre ancien et cherche à se légitimer. La difficulté religieuse, elle, demanderait d'en savoir beaucoup plus pour parler de la spiritualité de ces peuples. On peut se référer aux livres un peu vieillis de Jean Bottéro sur ce sujet. Quant aux questions actuelles que pose au monothéisme le Mal historique et les lamentations bibliques, rien ne vaut la lecture des ouvrages merveilleux de David Roskies ("Against the Apocalypse") et l'incomparable "Hurban" d'Alan Mintz.

Pour un public lisant l'anglais et déjà intéressé par les civilisations orientales antiques.
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