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Critique de StCyr


StCyr
24 février 2015
Médecin de formation, Arthur Schnitzler abandonna une carrière de médecin prometteuse, pour se tourner vers la création littéraire. Ayant vécu dans la ville de Vienne, à cheval entre deux siècles, ses écrits portent la trace indubitable de l'intérêt naissant et profond d'une époque pour la psychanalyse, période qui vit aussi les derniers soubresauts d'un empire austro hongrois à l'agonie.

“Combien de temps cela va-t-il durer?” Incipit fracassant. le Lieutenant Gustel s'ennuie à l'opéra devant la représentation d'un oratorio. Il a bien d'autre chose à penser, notamment qu'il à un médecin à sabrer en duel le lendemain à 4 heures. Dans cette courte nouvelle de 1900, Schnitzler utilise la technique, novatrice à l'époque, du flux de conscience. On partage ainsi les réflexions d'un personnage peu sympathique : remarques antisémites, sexistes et philistines d'un être vindicatif, mais lâche à l'idée d'un esclandre avec un boulanger qui vient de lui tenir la dragée haute. Il est déshonoré; à lui les affres de l'angoisse! Une seule solution : se brûler la cervelle. Il ère ainsi dans Vienne en proie au doute et à l'indécision. Que faire? Une pirouette du destin décidera à sa place.

L'Appel des ténèbres est l'exposition clinique d'une idée fixe grandissante, d'une folie en marche. Veuf, en proie au désarroi et à la conviction de perdre la raison, marqué qu'il est par le naufrage dans la déraison d'un ami qui respirait la santé et la joie de vivre, un fonctionnaire pense à rappeler le pacte conclu avec son frère médecin d'avoir la charité de l'aider à mettre fin à ses jours si un tel drame venait à le frapper. Cet homme en convalescence, développe une forme d'obsession hypocondriaque, aggravée d'un complexe de persécution, une sorte de paranoïa grandissante qui le mènera à la pire des extrémités.

Le Docteur Graesler, vieux garçon récemment frappé par le suicide de sa soeur, se retrouve seul au monde, officiant dans une ville d'eau de troisième ordre. Il y fait la connaissance d'une demoiselle “intéressante”, dont il découvre la vocation qu'elle eut jadis à devenir infirmière. Désirant redonner sens à sa vie, et de faire d'une pierre deux coups, il songe à remettre en état une clinique en vente, et, éventuellement, de la déposer au pied de la demoiselle. Cette dernière lui écrit une lettre, trop raisonnable pour être qualifiée de déclaration amoureuse. le docteur hésite… et puis il a rencontré, à son retour dans sa ville natale, une autre personne. Son indécision foncière, sa misogynie latente, le dépit amoureux, la découverte de la correspondance de la défunte, la fatalité enfin, se chargeront en quelque sorte de décider pour lui.

Les personnages mis en scène dans ses trois nouvelles sont des hommes affligés par un manque criant de volonté. Introspection, procrastination et misanthropie sont des termes qui siéent à définir leur comportement face aux événements et aux décisions qu'ils doivent se résoudre à prendre. Les atermoiements incessant du personnage de l'Appel des ténèbres lassent un peu et on peut juger l'exposition clinique du mal en marche un peu aride. Le recueil intéressera particulièrement les amateurs d'oeuvres à forte teneur psychologique; celui-ci vaut qu'on s'y attarde surtout pour la nouvelle éponyme, avec son utilisation du “ stream of consciousness” chère à James Joyce et à de nombreux auteurs du XXème siècle.
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