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Critique de Nanne


Peu le savent, mais Hitler n'avait pas que des collaborateurs zélés et fanatiques de sa politique de la Terre brûlée. Certains ont résisté. de l'intérieur. Pas évident quand on était Allemand de se battre contre les siens, sa famille parfois, au coeur même de son pays. Encore moins lorsque l'on portait l'uniforme de la Wehrmacht, que l'on était officier d'État-major et issue d'une très vieille lignée d'aristocrates. Surtout, tous savaient les conséquences immédiates non seulement pour les conspirateurs, mais pour la famille au sens large. A l'époque, cela se nommait la sippenhaft. Malgré cela, sachant les risques pris pour sa vie et celle de ses enfants, Nina Schenk von Stauffenberg va soutenir son mari – dès le début – dans cette entreprise utopique et insensée.

Son époux arrêté et fusillé parce que jugé traître à sa patrie, Nina von Stauffenberg va vivre le pire : les geôles de la Gestapo, le camp de Ravensbrück, la solitude, la peur, la séparation d'avec ses quatre jeunes enfants. Pour tenter de conjurer ses craintes, de dépasser ses angoisses, par goût pour la vie aussi, Nina von Stauffenberg va s'organiser psychiquement, se maintenir mentalement en vie, pour son défunt mari, pour sa famille. Pour retrouver ses enfants, surtout. Jamais elle ne faillira. Jamais elle ne lâchera prise. Avec une opiniâtreté absolue, une pugnacité infinie, et la foi de s'en sortir chevillée au corps, elle s'astreindra à des activités faisant diversion. Son éducation, sa culture littéraire et musicale lui serviront d'exutoire.

Ce qui lui a permis de tenir face à la violence de la répression, c'est indéniablement son indépendance d'esprit. Mariée très jeune, élevée dans un milieu où les valeurs morales étaient élevées, où le respect des traditions était intact, où chaque événement de l'existence était régi par un code établi, formalisé, Nina Schenk von Stauffenberg n'en demeure pas moins une femme affirmée, énergique, moderne – voire anticonformiste – pour l'époque. Avant d'être la mère de ses enfants, elle voulait être la femme, la partenaire, l'amante de son mari. C'est cette assurance naturelle, cette stabilité intellectuelle et cette sérénité intérieure qui permettront à Nina von Stauffenberg de se tenir aux côtés des conjurés du 20 juillet 1944, dont son mari, de les encourager par sa présence et de ne pas déchoir en gardant toujours le silence.

En rédigeant la biographie de Nina Schenk von Stauffenber, Konstanze von Schulthess rend, avant tout, un vibrant et pudique hommage à sa mère, à la force de caractère qu'elle a déployée pour aider son mari dans son attentat contre Hitler, et dans sa détermination à survivre au pire pour ses enfants. « Nina schenk von Stauffenberg – Un portrait » où l'histoire d'une jeune femme de la noblesse allemande, pétrie de convenances et de bonnes manières, qui va se retrouver au coeur du complot du 20 juillet 1944 qui aurait dû modifier – en cas de succès – l'ordre des choses. Car à travers cette hagiographie, constituée de lettres, de témoignages familiaux et d'entretiens, se dévoile un pan de la grande histoire de la 2ème Guerre mondiale encore peu et mal connue : la résistance allemande au sein même du régime national-socialiste et de l'armée allemande.

Konstanze von Schulthess nous parle avec émotion de cette mère tant aimée, mais aussi de son père qu'elle n'a pas connu, étant née en janvier 1945. Certes idéalisé, icône d'une petite fille qui a chéri et respecter son père au travers des récits de sa mère, Konstanze von Schulthess revient sur l'engagement de Claus Graf von Stauffenberg dans la résistance allemande, dès 1938. Elle bat en brèche une idée longtemps répandue par les historiens sur l'ambigüité concernant le combat de son père. Certes, comme la majorité de l'aristocratie et de la grande bourgeoisie allemandes, il a soutenu l'arrivée des nationaux-socialistes au pouvoir en 1933. Toutefois, celui-ci prend rapidement conscience des aspects monstrueux, barbares et primaires que revêt cette politique à l'égard de certaines catégories sociales. Son appartenance au Cercle de Kreisau, constitué d'opposants au régime nazi et animé par le comte Helmut James von Moltke le confirme dans sa décision d'en finir avec Hitler et sa clique. Dès 1941, l'ensemble des membres du Cercle de Kreisau avait décidé de l'élimination physique d'Hitler. Nina Schenk von Stauffenberg aura connaissance, dès cette période, des intentions fortes du groupe. Des risques aussi. Au lieu de l'en dissuader, elle soutiendra son mari jusqu'au bout, et au-delà même, entretenant ses convictions et sa mémoire.

« Nina Schenk von Stauffenberg – Un portrait » est un ouvrage très sobre, très digne, exempt de fioriture qui présente l'existence d'une femme qui a vécu son destin dans la solitude et l'abnégation. Ce portrait est un apport supplémentaire dans la reconnaissance de ces femmes qui ont lutté dans l'ombre de l'Histoire. Que son auteur en soit remerciée.
Lien : http://dunlivrelautredenanne..
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