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Critique de Lucilou


Avec "La Reine Celte" dont "Le Rêve de l'aigle" constitue le premier tome, Manda Scott entreprend de faire revivre la figure quasi-légendaire de Boudicca (ou Boadicée), reine des Icènes qui prit, en 60 après Jésus-Christ, la tête de la révolte réunissant toutes les plus grandes tribus celtes contre l'envahisseur, l'Aigle romain et son empereur.

L'histoire de cette femme-flamme et des siens, des derniers celtes et des ultimes rêveurs, libres encore un siècle après la reddition de la Gaule, a pourtant commencé bien avant cette date fatidique: avant le courage, le sang et l'héroïsme, avant la tragédie des mondes qui s'éteignent aussi, il y a toujours l'enfance, l'apprentissage, l'espoir.
Ainsi ce premier tome s'ouvre alors que Boudicca s'appelait encore Breaca en 33 après J.C et que, fille de la reine des Icènes, elle vivait encore dans la grande maison ronde avec les siens: Macha, Eburovic son père guerrier et forgeron, l'aïeule, Airmid la mystérieuse et peut-être destinée aux rêves et à l'île de Mona, Ban -enfin- le petit frère, l'ami des chiens et des chevaux…

En ce temps-là, les Rêves venaient aux jeunes pendant leurs longues nuits et on disait que c'était les dieux qui leur envoyaient; en ce temps là aussi les bardes venaient parfois de très loin chanter la gloire et la geste des peuples celtes et rapporter des nouvelles des autres tribus. En ces temps-là, on appelait les druides des rêveurs, on portait de lourdes torques d'or et les guerriers ne faisaient qu'un avec leurs épées trempées dans le feu de la forge d'Eburovic et des autres. En ces temps-là enfin, chaque animal, chaque élément de la nature était sacré, la vie était dure mais le monde était emprunt de magie.

C'est donc dans ce contexte que grandissent Breaca et Ban, c'est au coeur de ces années-là qu'ils dessineront leur destin, à défaut de le décider vraiment.
Parce qu'elle subira une perte cruelle, la petite fille se vengera et elle qui se voulait rêveuse se révélera cavalière puis guerrière. Reine enfin qu'on enverra parlementer avec les chefs des autres tribus celtes.
Parce que la nuit, des visions aussi réelles que ses actes la journée l'éveillent, parce que ses rêves savent ce qu'il advient le jour et que parfois les fantômes et les dieux viennent le visiter, Ban aurait dû être un rêveur. Un rêveur qui aurait prit les armes. L'Histoire en décidera pourtant autrement… Cette Histoire qui ne s'arrête jamais et qui avance ses pions dès ces années-là, inexorablement.
La révolte de l'an 60 n'est, en effet, que la conséquence de longues années de trahisons, d'exactions. D'années au cours desquelles les peuples celtes, leurs dieux, leurs croyances et leurs coutumes perdent du terrain face aux envahisseurs.

Dans une langue ample, qui mêle tonalités guerrières et un lyrisme faisant la part belle à la beauté -sublime- et à la sauvagerie des paysages et de la nature, Manda Scott nous livre ainsi l'épopée des derniers celtes qui se déploie déjà, vibrante et tragique, fracassante, dans ce premier tome qui non content de nous présenter des personnages forts et fouillés (pour la plupart en tout cas), lève aussi le voile sur la situation politique pour le moins complexe de l'époque, sur les desseins de Rome et la fin annoncée des barbares du nord.
Bien entendu, si on sait beaucoup de choses de la Rome de l'époque, on ignore presque tout des celtes qui n'écrivaient pas, et ce qu'on sait, ce sont des historiens latins qui nous le racontent, avec toute la subjectivité que cela suppose. Manda Scott, pour pallier, à ce manque a donc recréer pour nous le monde celte, en s'appuyant sur le peu d'informations dont nous disposons.
Pour ce faire, quel travail monumental de recherches, de lectures de sources, de comparaisons de travaux d'archéologues et d'historiens! Il en ressort un roman historique extrêmement sérieux et cohérent qui ne nie pourtant pas son appartenance au genre de la fiction en travaillant résolument la beauté de sa langue et de ses personnages entre lesquels se tissent des relations passionnantes et passionnelles qui contribuent à la réussite du roman autant que son contexte historique.

Je n'ai au terme de ma lecture qu'un regret: je me suis peu attachée à Breaca, que j'ai trouvé lointaine, parfois trop, et monolithique. Elle aurait, je pense, gagné à plus de profondeur, de nuances, de complexité. Comme si l'aspect épique du récit nuisait à sa psychologie... C'est tout de même bien regrettable quand cela touche le personnage principal… En tout cas, moi ça m'agace un peu.
En revanche, je suis tout à fait acquise à Caradoc (même sans Perceval) et à Ban, surtout. Un personnage comme je les aime!

Ma petite déception quant à la reine des Icènes ne m'empêche nullement en tout cas de brûler de me procurer "Le Rêve du Taureau Rouge"... ne serait-ce que pour ne pas rester sur les dernières pages du "Rêve de l'Aigle", véritable cliffhanger et monument de tension et de tragédie. Sublime impression d'un monde qui meurt. En littérature, c'est toujours grandiose.
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