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Critique de MicheleP


Sous le viaduc

« Est-ce ainsi que les hommes vivent ? » demandait Aragon.
« Le viaduc » c'est celui de métro aérien du boulevard Blauqui (Paris 13ème), où se réfugie toute une population d'exclus, et où vit le plus souvent ce couple de marginaux, Lui et Elle, que la narratrice, « piétonne de Paris », a repéré un jour en arpentant son quartier. Sous forme de journal assez impersonnel sur deux années (2010 et 2013), Sebbar donne à voir une géographie urbaine dans un périmètre précis, celui du treizième, Café l'Alouette, Librairie Blanqui, HLM de la rue Vergniaud, BNP, Havane café, poste de la rue Tolbiac, le G20, la librairie Blanqui 13, le dispensaire Hahnemann Homéopathie, le café restaurant Au réveil samaritain, le Marché Blanqui, le Chicco Burger, l'hôpital de la Santé, même, devenu lieu de promenade dans ses jardins charmants, que j'ai pratiqués moi aussi. Elle photographie ainsi toute une humble population, ces gens que l'on rencontre tous les jours et qu'on finit par connaître, celle qui marche vite malgré son poids, la femme à la fenêtre, l'homme aux mots fléchés, celui qui chante Aïcha, l'homme au chien et la foule des exilés plus ou moins intégrés, les nourrices antillaises, les Chibanis et les Kabyles, les Bangladais marchands de légume à la sauvette, les femmes roms et même quelques Mongols. Et enfin, sous le viaduc, les SDF et en particulier ce Lui et cette Elle, lui et ses canettes de bière, elle, aux yeux bleus comme une poupée ancienne, aux pieds nus, qui montre sans pudeur son derrière et se shoote au néocodion. Une histoire se dessine, rythmée par les passages de la Propreté de Paris, qui rafle leurs sédiments, par leurs changements de vêtements et les séjours de elle à Sainte Anne. Un regard complètement extérieur, on dirait d'entomologiste, servi par ce style allusif et sans fioritures propre à Sebbar. Un regard qui fige ces êtres dans leur anonymat, leur solitude. On ne connaîtra leur nom, Jean Luc et Isabelle, leur humanité, que deux ans plus tard, lorsqu'ils auront disparus, que la mort pour lui et sans doute l'anonymat d'un hôpital psychiatrique pour elle, les auront emportés.
Est-ce ainsi que les hommes vivent ? »
Un livre inclassable, difficile, mais fort et très humain.
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