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Critique de fabienne2909


Avec « le ravissement des innocents », l'Américaine Taiye Selasi signe un joli premier roman sur le deuil et le relâchement de liens familiaux qui se renouent à l'occasion d'un drame.

Kweku Sai est en train de mourir d'une crise cardiaque dans son jardin au Ghana. Comme dans les films, sa vie défile devant ses yeux et notamment son regret : avoir fait éclater la cellule familiale en abandonnant sa femme et ses enfants, après avoir été la victime d'un licenciement abusif (à la suite d'une opération chirurgicale qui s'est mal passée). N'ayant pu se résoudre à lire la honte dans les yeux de ses enfants et de sa femme, lui le chirurgien illustre, qui a fait carrière au détriment de celle de sa femme, il part, et meurt des années plus tard sans les avoir revus.

Voilà le point de départ de ce roman choral, qui va faire parler tour à tour chacun des enfants de Kweku, et Folà, sa femme, l'amour de sa vie : Olu, l'aîné, devenu chirurgien orthopédiste, sur les traces de son père, après avoir tenté d'incarner la figure paternelle après la défection du géniteur ; les jumeaux Taiwo et Kehinde, dont la beauté est l'égale de la brillante intelligence (dont sont dotés tous les enfants Sai), qui ne se parlent plus depuis quelques années mais qui partagent un traumatisme les empêchant de réussir leur vie ; bébé Sadie, la petite dernière (bien qu'elle fête ses vingt ans au début de l'ouvrage), brillante étudiante, née grande prématurée, et donc surprotégée par sa mère. Cette mère, Folà, dont la vie a été menée à rude épreuve bien des fois (même si elle n'en a jamais parlé, pas même à Kweku) et qui souffre de ne pas avoir été une suffisamment bonne mère.

Ainsi, chacun à sa façon ressent la désunion de ce qu'ils n'arrivent plus à appeler leur famille : éparpillés entre l'Amérique et le Ghana (leur mère Folà ayant déménagé dans ce pays quelques mois plus tôt, ce sans lien avec le fait que son ex-mari y vivait aussi), ils se parlent très peu, et ne partagent pas grand-chose, sauf quelques tensions.
La mort de leur père, et son enterrement au Ghana, sera enfin l'occasion pour eux de se retrouver, de se réconcilier, et d'apaiser quelques uns des drames qui les entravaient.

« le ravissement des innocents » est un beau roman, qu'on ne lâche plus une fois qu'on l'a commencé. Déjà pour l'histoire de famille, et les belles analyses psychologiques des personnages qui en découlent (attachantes Taiwo et Sadie, magnétique Folà… les personnages féminins étant mieux réussis que les masculins). Mais ce roman ne saurait se résumer uniquement à des conflits familiaux, il aborde des questions importantes comme celle de l'héritage familial (les problèmes familiaux sont-ils des boulets que l'on traîne, par la reproduction de ceux-ci, de génération en génération ?), de l'identité (comment savoir qui l'on est si on ne connaît même pas son père ?), de la réussite (comment naître pauvre et s'en sortir à tout prix ?)…

Taiye Selasi a donc écrit là un roman ambitieux, qui pèche toutefois en raison de cette ambition même : si l'écriture est souvent poétique, recèle quelques trouvailles d'écriture, elle est parfois assez difficile à lire, et l'auteur fait parfois des raccourcis qui sont tout aussi durs à suivre. Comme si l'auteur voulait absolument nous prouver qu'elle est bien un écrivain, ce dont on ne peut douter devant le ton bien à elle qu'elle réussit à imposer en quelques lignes.
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