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Critique de EvlyneLeraut


Le fronton des républiques du coeur !
Ce roman utile à la société est magistral. Marseille lève son voile, Les Puces des Arnavaux prennent place.
Rien n'est laissé dans le hasard. Tout semble réel, ce pourrait être lui, eux, nous. Tant le récit nous colle au corps, vif et intuitif.
On ne lâche pas des yeux Rico, fil rouge d'une histoire contemporaine résolument vivante, active et sensible.
"Rico fait la gueule. Il va falloir qu'il ressorte. Qu'il renfile ses tiags, et son Perfecto, qu'il réenfourche sa moto et retraverse la moitié de la ville pour livrer vingt balles de shit à cette connasse de Virginie qui le rejoindra probablement en pantoufles Teletubbies au pied de l'immeuble."
Rico est un homme d'un âge certain. Il vit dans un antre délabré. Des dents en moins, le poids lourd des incompréhensions sur le dos.
Des petites combines pour résister, s'alimenter. du shit vendu à la sauvette, un peu, rarement beaucoup. La solitude pour armure. Au RSA, une moto vieillissante et pétaradante pour compagne. Connu comme le loup blanc dans son quartier, Rico on l'aime d'emblée. C'est comme ça et pas autrement.
"À vrai dire, jeune, il était carrément beau gosse dans le genre mauvais garçon. On disait de lui qu'il ressemblait à Matt Dillon dans Rusty James ou à Alain Delon dans Rico et ses frères".
Rico est attachant, débrouillard, malgré les affres intestines. Un logement insalubre gorgé d'antiquités ramassées au gré de ses pérégrinations. Des blousons en cuir rénovés dans un évier terne avec du vinaigre blanc. Redonner l'allure du neuf et vendre à la sauvette parce que oui " est totalement à sec de shit, est en retard sur le loyer et l'EDF, et n'a pas la moindre idée de la manière dont il va financer les réparations".
Tenace, digne, le front lourd par les affronts d'un monde où l'exclusion est une pente glissante savonnée par les difficultés titanesques. L'effet papillon. Dans son appartement amianté, gris, il se passe des choses qui remettent d'équerre et qui sont un joli pied de nez à l'adversité. Rico a une radio. Il écoute France Culture, rituel quotidien. Dans ces moments, Rico est au coeur du vrai monde. Cultivé, brillant, il semble alors comme Renée la concierge de l'Élégance du hérisson. Il découvre un rat dans son spartiate. Peu à peu il va s'habituer à sa présence. "Il est tard, le rat doit commencer à s'inquiéter". Rico est en proie aux déconvenues. Tous le poursuivent et pas pour fraterniser, au contraire. Des fournisseurs, aux vengeances, tous l'accablent et veulent parfois sa peau et pour pas cher. On pense à son vieux père à qui il ne rendra plus visite, au rat abandonné. Il fuit à Paris sur sa vieille Virago, son Alcatel en poche loin du dernier Iphone. Rico pressent son futur de SDF. Ce récit implacable et lumineux, tendre et attachant est aussi sociologique et nécessaire.
Engagé, crucial, avec des phrases belles à pleurer, Rico reste en assise jusqu'au point final (chut).
Ce livre est l'exemple même d'une existence anonyme broyée par les diktats et l'intranquillité. Il honore ceux qui, La Vie, au fond et les résistances souveraines. L'empathie stupéfiante et la douceur du ton sont des alliances. Ce cinquième roman de Hugues Serraf est une apothéose. Publié par les majeures éditions Intervalles.

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