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Critique de 5Arabella


Comment évoquer l'impalpable, le fugitif, l'évanescent ? Celui des souvenirs, des ressentis, des émotions ? Comment parler de ce livre ?

Nous sommes à Jérusalem entre les deux guerres, Jérusalem sous mandat britannique. le narrateur nous raconte ses souvenirs d'enfance. Pas d'une façon chronologique, logique, continue. Mais en désordre, avec des circonvolutions, arabesques, en allant d'un moment à un autre, dans une ordre qui peut paraître à premier abord anarchique, et qui n'aide pas le lecteur à s'y retrouver, il faut un effort pour saisir à quel moment on se situe, si tel ou tel événement c'est déjà produit ou s'il est à venir. Puis il y a des pauses consacrées aux différentes personnes qui pour une raison ou une autre ont été importantes pour le narrateur, qui en ont fait ce qu'il est. Ces personnages se racontent, se révèlent en même temps qu'ils révèlent le narrateur à lui-même. Et qu'ils révèlent l'histoire d'autres personnages, parce que les routes se croisent, pas vraiment au hasard, même si on peut le penser au début, tant qu'on ne voit pas le lien ténu mais puissant qui les attache. La structure se dessine peu à peu, subtilement, en arrière plan.

Le récit a quelque peu l'allure d'un conte, d'un mythe, d'une légende. Un bey de l'empire ottoman, devenu consul espagnol, un juif devenu prédicateur protestant et spécialiste en théologie, un poignard qui aurait servi à un meurtre caché par un enfant...tout peut se transformer en récit, le réel peut être enchanté sans effort.

Et puis plus difficile à saisir si on ne connaît pas la kabbale, si on s'est jamais intéressé à la théosophie. Pourtant, difficile d'y échapper, le cycle de romans dont Un été rue des Prophètes est le premier volet, s'appelle le palais des vases brisées. Ce qui fait référence au concept de brisure de vases, concept kabbalistique. Développé par un certain Louria, comme le personnage qui est au centre des souvenirs du narrateur dans ce premier volume. Je ne saurais pas vraiment expliquer ces notions complexes, mais cela fait référence au deuxième moment de la création du monde, où le Dieu s'est retiré, mais la lumière divine continue à émaner, créant des vases réceptacles, dont certains vont se briser, mais une partie de la lumière restera prisonnière des tessons. Ce processus est associé à la création de l'homme, mais participe aussi à l'apparition du mal. La brisure exige une réparation, une reconstitution des vases.

Les souvenirs du narrateurs partent et aboutissent dans le roman de Gabriel Jonathan Louria, le fils de la propriétaire de la maison de l'enfance du narrateur, sur qui il semble avoir eu une influence considérable. L'histoire de ses parents, et quelque éléments de la sienne nous sont progressivement dévoilées, dans des récits en volutes, avec de nombreuses digressions et arrêts pour des histoires et des personnages parallèles. Il semble être le guide, celui qui donne un sens.

J'ai pris un grand plaisir à la lecture de ce livre, à la fois limpide et complexe. Les personnages pittoresques, le sens du récit, une capacité à insérer une sorte de merveilleux au sein du quotidien, en font une lecture immédiatement gratifiante. Mais en même temps, une dimension plus métaphorique, symbolique, métaphysique sourd à chaque instant. Elle est évidemment plus difficile à appréhender, et demanderait sans doute, d'autres lectures, moins immédiates.

J'ai en tous les cas hâte de lire les volumes suivants.
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