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Critique de Henri-l-oiseleur


Ce volume rassemble, dans la traduction canonique de François-Victor Hugo, les tragédies romaines de Shakespeare. Il y a un monde, et de longues années d'évolution du dramaturge, entre "Titus Andronicus", que J.C. Maxwell date de 1590 environ, et "Jules César", oeuvre d'un dramaturge lecteur attentif de Plutarque, qu'il scénarise et dramatise. Il n'y a aucune raison de douter que Shakespeare soit l'auteur de "Titus Andronicus", et le choc ressenti par les lecteurs et spectateurs d'aujourd'hui ne fait que nous éclairer sur leurs préjugés, sans aider à la compréhension du texte. Le modèle incontesté de tout théâtre tragique à la Renaissance, française, anglaise ou italienne, est Sénèque le tragique, dont les pièces comme Thyeste se complaisent dans l'horreur ou, dirait-on aujourd'hui, le "gore". Cela ne faisait pas peur au spectateur anglais, pas plus qu'aux amateurs français de Hardy en 1620. D'ailleurs, les idées les plus morbides de Titus Andronicus, comme il est naturel au XVI°s, ne sont pas du cru de l'auteur, mais se légitiment par des précédents latins : Thyeste, on l'a dit, Philomèle et Térée dans Ovide, et une nouvelle de Bandello fondée sur l'histoire d'un viol et d'une mutilation analogues. Les publics d'antan aimaient les spectacles violents, eux aussi, ou du moins, leur récit au théâtre.

"Jules César" est une pièce d'une autre trempe. Certes, le sang coule, des fantômes agitent leurs chaînes, et l'on a tout le surnaturel nécessaire pour contenter un public friand. Cependant, nos préjugés littéraires sont un peu moins mis à mal, puisque la pièce de Shakespeare est la réécriture savante, pour la scène, des Vies de Plutarque (Vie de César, Vie de Brutus, Vie de Marc-Antoine), traduites vingt ans auparavant par Thomas North de la version française d'Amyot. Si le spectacle est magnifique (une mention pour le film des Frères Taviani, "Cesare deve morire", tourné dans la prison romaine de Rebibbia avec des détenus), il ne faut pas négliger l'inflexion politique ajoutée par l'auteur : alors que Plutarque donne au peuple, au dêmos encore en démocratie, un certain pouvoir et un grand poids, ce peuple dans Shakespeare n'est plus qu'une masse abrutie que le républicain Brutus a bien tort d'estimer, et que Marc-Antoine achète cyniquement.

Je ne dis rien des deux autres tragédies romaines, car je ne les ai ni vues, ni lues.
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