AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Nastie92


Très souvent, les personnes "normales" (si tant est que ce terme ait un sens) ont une fausse image des surdoués qu'ils jalousent ou qu'ils envient.
Ils pensent que ce sont des gens gâtés qui ont une vie facile du fait de leurs compétences hors normes.
Et pourtant...

"Intégrer la différence, toutes les différences, est aujourd'hui une volonté politique active et mobilisatrice. [...] Tant mieux, bien sûr ! Et merci à cette société moderne qui a compris cette nécessité cruciale de faire une place à chacun. Mais je ne peux m'empêcher d'être souvent attristée de voir combien ceux dont la différence est invisible à l'oeil nu, dont la différence ne ressemble pas d'emblée à un handicap, dont la différence suscite plus l'envie que la pitié, bref que tous ces surdoués qui souffrent en silence et cherchent seuls des solutions à leur différence ne soient jamais (trop rarement) pris en compte par notre société du XXIème siècle. La détresse de ces adultes et leur problème d'intégration, de vie parfois, devraient susciter, si ce n'est de la compassion, au moins de la compréhension."

Ces quelques phrases résument bien tout le paradoxe de ceux qu'on appelle les "surdoués" et dont il est question dans ce livre.

Pour commencer, qu'est-ce qu'un surdoué ?
Avant tout, Jeanne Siaud-Facchin précise qu'elle n'aime pas trop ce terme et qu'au lieu de sur-don, il faut considérer qu'il s'agit d'un fonctionnement cérébral différent.
Elle aime bien utiliser le mot "zèbres", terme affectueux qui va bien à ces personnes à part.
Il n'y a pas de réponse unique à la question ci-dessus parce que les êtres humains sont variés et qu'il n'y a pas de "modèle" type de surdoué mais il y a quelques constantes dans le fonctionnement qui sont bien expliquées dans cet ouvrage très bien conçu.
Le découpage en nombreux chapitres et petits paragraphes facilite la lecture, d'autant que tout est écrit dans un langage précis mais très accessible.
Pas de grandes théories nébuleuses, pas de jargon : tout est clair dans ces pages.

L'une des premières idées qui ressort est qu'être "surdoué" n'est pas forcément une bénédiction.
Les personnes non concernées ont souvent des idées fausses et pensent qu'être surdoué ne présente que des avantages : avoir de grandes aptitudes rend la vie plus facile, de quoi va-ton se plaindre ?
Et pourtant, la situation n'est pas si simple : on peut avoir de grandes facilités dans certains domaines mais d'immenses difficultés dans d'autres.
Je suis bien placée pour le savoir.
Ne voyez surtout aucune forfanterie dans les propos qui suivent, je les écris seulement dans le but d'aider d'autres personnes qui pourraient être dans une situation similaire à la mienne.

J'ai des dons évidents pour les mathématiques dont j'ai fait mon domaine professionnel (enseignement en classes prépas, écriture de manuels scolaires, formations d'enseignants) et dans une moindre mesure pour les langues vivantes mais je ne me suis jamais considérée comme étant "surdouée", cette pensée ne m'a jamais effleurée.
D'abord parce qu'il me semble prétentieux de se proclamer "surdoué", un peu comme si l'on se sentait supérieur, ce qui n'est vraiment pas mon cas.
Ensuite parce qu'à côté de mes "talents" je suis un sac de noeuds.
Je trimbale depuis toujours plein de problèmes, plein d'angoisses.
Le monde me fait peur, les autres me font peur parce qu'il y a tellement de choses que je ne comprends pas : je me sens très souvent inadaptée.
Mon cerveau survolté ne me laisse aucun répit : comme le disent de nombreux témoins dans le livre, j'aimerais arriver à le débrancher, à faire cesser ce flux incessant d'idées qui m'envahissent et m'épuisent.
Ajoutez à cela que j'ai une sensibilité absurdement excessive et qu'un rien peut me faire terriblement souffrir.
Bref, je me sens plutôt sous-douée pour la vie, je me sens nulle et je vais mal, très mal.

Et voilà qu'un ami que je ne connais que depuis peu me met ce livre entre les mains.
Comment a-t-il deviné que j'étais concernée ? Sans doute parce qu'il est lui-même un zèbre et qu'il a vécu adulte la découverte de sa "différence".
Je commence ma lecture et je prends coup sur coup : je me reconnais dans tellement de réflexions de l'auteur, dans tellement de témoignages qu'elle présente.
Je lis lentement, très lentement parce qu'il me faut prendre le temps d'encaisser ces coups et de digérer toutes les informations mais cette lecture, je le sens rapidement, va changer ma vie.
Et elle l'a changée !
Je ne me sens plus seule et à cinquante-huit ans, je commence enfin à comprendre qui je suis... il était temps !
Je comprends que ces pensées incontrôlables qui me traversent sans arrêt l'esprit ne sont pas un signe de folie (je commençais vraiment à me poser des questions) mais le résultat du fonctionnement de mon cerveau. Que c'est physiologique.
Je comprends que je fais partie des "surdoués" et qu'il faut que j'apprenne à vivre avec cette différence, à l'apprivoiser, afin d'en faire une force et non une malédiction que je subis vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Je comprends pourquoi beaucoup de gens (y compris des proches...) me disent que je suis fatigante, que je les épuise, qu'ils ne me supportent plus ; je comprends pourquoi certains me traitent de folle.
Je comprends que je dois voir le monde différemment et que je dois changer des choses dans ma vie pour aller mieux.
Cette lecture est arrivée au moment où j'étais au fond du gouffre, complètement désespérée. Elle m'a ouvert une porte, elle m'a fait voir la possibilité d'un avenir meilleur.
Si tout n'est pas encore résolu, les souffrances que j'ai décrites appartiennent définitivement au passé. Ma vie est transformée.

Si j'ai rédigé cette petite chronique en y incluant tant de choses personnelles, c'est dans le seul but d'être utile.
Pour moi, ce livre a été une bénédiction, une bouée de sauvetage.
Il pourrait être utile à d'autres : il ne résout pas tout mais amène une prise de conscience et constitue un excellent point de départ vers d'autres réflexions à mener bien accompagné.
Accompagnée, je le suis formidablement, et c'est pour ça que je ne dis plus "je vais mal, très mal" mais "j'allais mal, très mal" et que j'arrive maintenant à dire "je vais bien".

Vous pouvez, comme moi, être concerné sans le savoir, vous pouvez avoir quelqu'un dans votre entourage qui est concerné : je conseille à tous cette lecture.
Avant la rédaction de ce livre, Jeanne Siaud-Facchin en avait écrit un autre consacré aux enfants : "L'enfant surdoué : l'aider à grandir, l'aider à réussir". Je ne l'ai pas encore lu mais s'il est de la même qualité, il devrait être lu par tous les enseignants et tous les parents.
Si l'on peut éviter toutes ces souffrances, c'est quand même mieux, non ?
Commenter  J’apprécie          3530



Ont apprécié cette critique (33)voir plus




{* *}