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Critique de fulmar


J'enchaîne les contes, que se passe-t-il ? Jamais deux sans trois !
Mis en évidence à la médiathèque, la couleur automnale de la couverture a fait jouer la corde sensible, un bon moyen de resserrer les liens, la forêt en avril ne se découvre pas d'un fil, oui, je vous entends, la ficelle est un peu grosse.

Je n'avais pas été emballé par la série sur Arte, mais envie de découvrir l'original, pour savoir s'il tient la corde. Eh bien, j'ai été aspiré, non pas par le câble, le visionnement était en clair, mais par la qualité de l'écriture.
Comme pour le Parfum de Süsskind, j'aurais aimé le lire en allemand, mais la traduction de Jean-Marie Argelès est plus que suffisante, elle est même sublime.
Das Seil se lit très bien en français, se relit devrais-je écrire, car je fis plusieurs retours en arrière bien qu'il n'y eût point de flash-back, ou plutôt de Rückblende, pour rester dans la langue d'origine.

Mieux vaut court et attractif que long et soporifique, ce petit conte m'a occupé plusieurs jours. Les descriptions de la nature ambiante m'ont régalé, (voir dans les citations), j'avais l'impression de faire partie de l'histoire et j'ai cheminé avec les personnages le long de la corde, car, comme eux, je voulais savoir ce qu'il y avait au bout.
Comme pour Jack et le haricot magique, c'est un voyage sans fin, une quête qui s'avérera absurde, hors de l'espace et du temps, car la corde s'étire à l'infini.
Un petit village isolé où les habitants mènent une vie tranquille et prévisible, rythmée par les saisons et les travaux des champs. Mais un soir, l'un d'entre eux fait une balade et trouve une corde qui sort de terre et mène dans la proche forêt.
Telle est l'idée de départ que Stefan aus dem Siepen a imaginée pour débuter son récit. Et me voilà moi aussi embarqué comme dans un conte de Grimm, une histoire extraordinaire avec une sombre forêt interminable peuplée de loups féroces où les personnages vont devoir résoudre une énigme.

L'auteur réussit à saisir certains traits du fonctionnement de la société.
Un village se transforme et abandonne sa routine pour essayer de comprendre un mystère, les gens quittent leur existence réglée de villageois pour un but furtif, pour un peu de gloire, la curiosité l'emporte sur la raison.
Persuadés qu'ils vivent une aventure exaltante dont ils devraient rapporter quelque chose d'exceptionnel, ils poursuivent jusqu'au b(o)ut pour ne pas revenir bredouilles et finalement sont sur la corde raide, la corde de la discorde.
« La corde est longue ! Croyez-moi ! J'ai fait un bon bout de chemin, mais je n'ai pas trouvé l'autre extrémité ! »

L'auteur alterne deux points de vue, celui de ceux qui sont restés à la maison, essentiellement les femmes et les enfants, et celui des participants à l'expédition, dont deux meneurs, un paysan et l'instituteur.
L'ambiance devient rapidement pesante, la désillusion des hommes devant cette corde qui n'en finit pas, les femmes en attente passive, la moisson qui devrait être faite, la fin d'un cycle agraire associé à la mort et à la résurrection, fauche, récolte, labour, semis.
Un silence s'est installé au village avec l'absence des hommes qui se prolonge.
Que faire ? Reprendre le cours de l'existence en attendant qu'ils reviennent ? On se surveille sans qu'il y ait de chef.
Les mères racontent à leurs enfants des histoires terrifiantes de loups et de chasseurs ramenés de la forêt morts ou mis à mal jusqu'à la fin de leurs jours. Une peur distillée au compte-gouttes s'installe peu à peu.
Les aventuriers traversent un village mort, amas d'habitations sans vie, une alerte pour les inciter à rebrousser chemin, à retrouver leurs familles et à rentrer à temps pour la moisson.
Trop tard ? Ils sont usés jusqu'à la corde, à force d'avoir trop tiré dessus.

Ce petit roman, dont je ne vous dévoilerai pas la fin, écrit à la manière d'un conte, invite à la réflexion sur l'être humain, ses motivations, ses obstinations.
Incapable d'apprendre de ses erreurs, la corde au cou, il est contraint à se répéter.
L'absurdité du cycle de la vie, je vous l'accorde.






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