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Critique de jvermeer


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J'aime ces peintres du petit point et de la division des couleurs…

Une nouvelle fois, je pousse les portes de ce charmant Musée normand des Impressionnismes de Giverny proche de la maison rose de Claude Monet située à une centaine de mètres.
Un pointilliste méconnu est à l'honneur : Il s'agit de la première rétrospective consacrée au peintre néo-impressionniste Maximilien Luce.

En 1886, lors de la huitième et dernière exposition commune du groupe des impressionnistes, ceux-ci commençaient seulement à être appréciés lorsque Georges Seurat, en présentant un tableau intitulé « Un Dimanche à la Grande Jatte » qui était son manifeste, allait devenir le chef de file d'une nouvelle école néo-impressionnistes.
Le système divisionniste des tons de Seurat était rigoureusement scientifique : couvrir le tableau de petits points juxtaposés de couleurs pures soucieuses les unes des autres selon le principe des complémentaires. Ainsi, les couleurs ne se mêlaient plus sur la toile, mais dans l'oeil du spectateur. Certains critiques de l'époque utilisaient des expressions très imagées pour exprimer leurs pensées sur ce type de peinture : « confettisme », « semis de menues touches colorantes », « tourbillonnantes cohues de menues macules ».
La luminosité du mélange optique obtenu avec cette méthode allait ainsi rallier à cette théorie de grands peintres comme Paul Signac et Camille Pissarro. Plusieurs autres, moins connus, allaient suivre : Cross, Angrand, le belge van Rysselberghe.

Maximilien Luce allait également devenir un adepte de cette technique.
Je ne connaissais guère cet artiste dont j'avais aperçu trop rapidement quelques toiles au musée d'Orsay. Avant de venir à Giverny, j'avais pris soin de faire sa connaissance en me procurant le beau catalogue de l'expo. Ainsi, je connaissais presque tout de l'artiste.


En parcourant l'exposition, je m'aperçois que tous les thèmes de la peinture sont représentés dans l'oeuvre de l'artiste.

Des portraits

Luce peignait souvent ses amis. D'entrée, j'apprécie le superbe « Portrait de Paul Signac » représentant son ami, de profil, à contre-jour, penché sur sa toile.

J'admire le seul portrait de femme de l'expo. Luce vit depuis plusieurs années avec Ambroisine Bouin lorsqu'il peint en 1901 la soeur de celle-ci, « Madame Bouin à sa toilette », âgée de 24 ans. le peintre s'est inspiré de « Jo, la belle irlandaise » de Courbet qu'il a vue chez Durand-Ruel. La jolie Eugénie peigne ses longs cheveux bruns. le corsage très décolleté, la jupe en tissu épais et son visage poupin lui donnent un physique sensuel. Malheureusement, Eugénie, malade, mourra l'année suivante.

Des paysages somptueux

La puissance de coloriste du peintre m'impressionne. La qualité de son pinceau illumine une « Vue de Montmartre » et « le port de Saint-Tropez » éclaboussé de soleil.
Je circule un long moment devant toute une série de « nocturnes », des chefs-d'oeuvre, aux tonalités mauves et vertes. Un coup de foudre… Les crépuscules marins contrastés et les effets d'éclairage urbain sont somptueux. Un « Quai à Camaret » me rappelle un souvenir de vacances anciennes.

Un univers industriel

En 1895, Luce découvre le Pays noir du Borinage à Charleroi où la production du charbon et de l'acier se fait dans la vallée de la Sambre. de grandes toiles montrent la fascination du peintre pour ce spectacle de hauts fourneaux impressionnant de beauté.
« Partout des feux de Bengale multicolores, des étincelles. Les ouvriers ne sont plus rien, je vois le règne du feu ! Jamais je le crois je n'ai eu une pareille joie de couleur ! dit Signac en rejoignant Luce à Charleroi en 1897. »

La peinture d'histoire

L'humanisme de Luce perce dans ses tableaux d'histoire. Il aime montrer des hommes et femmes du peuple, de simples travailleurs ou des syndicalistes.
Le peintre témoigne de la réalité sombre de la guerre de 1914-1918 en peignant des scènes de « l'arrière » de la Gare de l'Est. Des soldats permissionnaires blessés, fatigués sont affalés sur le sol.

Un peintre et illustrateur engagé

La politique…
Luce est un anarchiste convaincu. Une large partie de son oeuvre est inspirée par ses convictions politiques. Avec son crayon et ses pinceaux, tant dans les journaux, affiches, textes illustrés de chansons et programmes de théâtre, il accorde une grande place aux thèmes sociaux.

Une très grande toile clôture l'exposition : « Une rue de Paris en mai 1871, La Commune ». Je m'installe à côté d'écoliers méditatifs devant les explications de leur professeur.
Vers le 30ème anniversaire des massacres de la Commune, Luce peint cette toile d'une grande puissance évocatrice. « Nulle allégorie, nulle généralisation ne saurait être pour nous aussi pathétique que cette vision des morts » dira l'anarchiste Jean Denauroy.
Des communards gisent sur les pavés près d'une barricade renversée lors des combats. Des fédérés, jeunes ouvriers, et une femme aux longs cheveux bruns sont criblés de balles au premier plan.
C'est une scène étrange. La rue est déserte, silencieuse. Curieusement, cette toile n'est pas sombre… Les couleurs sont chaudes, lumineuses sur les façades des maisons. Tout en haut, sur la gauche, un petit coin de ciel bleu apporte une note d'espoir, inepte au-dessus des cadavres. Un minuscule chat perché sur un toit semble contempler le spectacle, indifférent...

L'exposition est terminée.
J'étais venu voir la rétrospective d'un peintre mal connu, et j'avais découvert un grand artiste. Pas un simple suiveur, mais un des tout meilleurs du mouvement néo-impressionniste. Un homme libre, dans ses idées politiques comme dans sa peinture. Plusieurs des toiles que j'avais vues montraient que Luce avait su, comme l'avait fait un Van Gogh, prendre ses distances avec des règles pointillistes parfois trop contraignantes et les adapter à son tempérament.
J'aspire une grande bouffée d'air en sortant du musée. le ciel normand délavé s'ennuageait. Mes yeux distinguaient des petites paillettes colorées dansant dans le bleu du ciel.


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