Les Valentin

Ce livre est le premier roman de Pierre-Henri Simon, qui n'avait pas trente ans lors de sa parution, en 1931. Et il contient sans doute beaucoup de vécu : l'action se déroule sur la rive droite de la Gironde, en Charente-Inférieure (Charente-Maritime de l'époque), là où l'auteur a passé sa jeunesse et dans le milieu où il s'est formé. Les Valentin sont une famille de bourgeois qui furent aisés au XIXe siècle, que la Belle Époque puis la Première Guerre mondiale fragilisent et que les Années folles anéantissent, au profit d'une classe de nouveaux riches qui acquièrent tout d'abord leurs terres avant d'épouser leurs filles. Ils reproduisent ainsi le schéma qui a précisément donné naissance, avant la Révolution, à ces dynasties bourgeoises. Telles un être vivant, celles-ci abordent, dans les années vingt, leur vieillesse et voient – ou ne veulent pas voir – approcher leur mort. Certains parmi les membres de cette classe en voie d'extinction ont en effet des principes qui leur interdisent de s'allier à des parvenus de fraîche date ou, au contraire, à des personnes sans fortune issues d'une sphère sociale différente, tous individus culturellement sous-développés à leurs yeux. Pierre Valentin, déjà en délicatesse avec sa famille, achève de se brouiller avec elle en épousant la fille de son patron, grand avocat parisien. Sa soeur Annie, chez qui le sentiment d'appartenance à une élite est aussi fort que sa croyance à l'amour avec un grand A, se voit proposer un mariage qui permettrait de sauver la propriété familiale ; elle récuse ce marché, se raccrochant à une inclinaison de jeunesse idéalisée qui se révélera une douce illusion : les hommes évoluent, les familles et leurs principes également ; elle-même, peut-être, immergée dans un milieu en mutation, mettra de l'eau dans son vin et finira par trouver un homme avec qui elle se sentira en communion de pensée sans avoir eu l'impression d'abdiquer ses idées.