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Critique de cprevost


Il faut lire « La contagion » de Walter Siti parce que cet ouvrage dit une vérité sur les marges de nos quartiers populaires. Et comme c'est un livre d'une crudité absolue, il dit les choses comme les disent les grands livres réalistes, c'est-à-dire en portant leur vérité jusqu'aux limites de la nausée et du dégoût. C'est donc un livre « vériste» sur un univers de drogue, de sexe, d'argent, d'abandon, et surtout de total mépris de soi et des autres. Il met en scène, dans un immeuble populaire, au coeur des « borgate » de Rome, des coups de théâtre, des entrecroisements de destins, des péripéties, et des pratiques auxquels seul le roman noir de la meilleure veine nous avait habitués.

Si nous lisons des romans, c'est également pour nous ouvrir à autre chose. Ils nous introduisent à des mondes, qui sans eux, nous seraient restés inaccessibles. Même une personne qui n'a jamais eu à vivre dans une banlieue difficile, trouvera chez Siti, étonnamment, un monde terrible empreint du sien. Siti est méchant. Je crois que c'est un intellectuel férocement misanthrope, excessif et provocateur (Ex : citation bien inutile de Eichmann par l'auteur page 278, propos antisémite page 300 ou bien référence aux races page 304). En fin de compte, il dit du mal (mais avec beaucoup d'intelligence) du monde dans lequel ses «instincts » l'obligent à vivre.


Walter Siti n'analyse pas en sociologue le monde des « borgate ». Il fait en effet bien moins que la sociologie et beaucoup plus qu'elle. Il ne généralise pas comme les sciences humaines mais, au contraire et le plus souvent, particularise comme le roman. Il décrit par le menu le comportement hiératique et excessivement bruyant, des locataires d'une cage d'escalier. Il donne une indéniable vie à pas moins d'une quinzaine de personnages : Gianfranco, riche car dealer ; Mano, amant du précédent ; Fiorella, maitresse du même ; Marcello, bodybuilder entretenu par le professeur Walter tout en étant marié à Chiara ; Francesca infirme et seule à ne pas être ouvertement fasciste ; Simona (autre exception) seule à avoir un travail régulier ; le dit « la Toupie », lâche et pervers vivant aux crochets de Fernanda, prostituée brésilienne, etc. … Pour un lumpenprolétariat modernisé, drogué et dans son sillage, pour quelques bourgeois sans repaire, bien mal, masculin féminin, s'entremêlent dans une totale indifférence. « de la vielle rengaine de la « société du spectacle, nous n'avons pas tiré une conséquence épistémologique évidente : si nous percevons le monde comme un produit artistique, alors les règles qui valent pour les oeuvres d'art valent aussi pour le monde, à savoir l'indifférence morale et la suspension de l'incrédulité (…) Entre une réalité concrète mais déprimante et une représentation séduisante et imaginaire, nous choisissons la seconde… » écrit l'auteur. Walter Siti construit son livre avec un art consommé et, si de sa lecture nous ne ressortons pas indemne, jamais nous ne nous ennuyons. L'ouvrage est un patchwork outrancièrement coloré et criard : nous suivons un homme, Marcello, à travers récits, enquêtes, collages de nouvelles (ailleurs parues), réflexions diverses, vie de Mauro et lettre du professeur.


« La contagion » ne présuppose pas la connaissance de ce monde anomique des « borgate » : elle la procure et c'est là son grand mérite.
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