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Critique de LecturesdeVoyage


J'ai choisi de lire trois livres pour mieux comprendre l'histoire de la Russie, et de Moscou en particulier, pendant ce siècle.
Le premier de ces ouvrages est l'imposant mais passionnant « La Maison Eternelle (The House of Government) » de Yuri Slezkine, un universitaire californien né en Union Soviétique. Son sujet est l'immense bâtiment qu'on a appelé « la Maison du Gouvernement » ou « la Maison du Quai » et qui fut construite sur l'île de la Moskova pour abriter les membres de la nouvelle nomenklatura et leurs familles. En effet, avec la Révolution, la capitale fut déplacée de Saint-Pétersbourg à Moscou et l'espace manquait pour rassembler les cadres dans un logement proche du Kremlin. Pendant l'édification de ce mastodonte d'architecture constructiviste, l'élite soviétique vivait dans plusieurs hôtels nationalisés comme le Metropol.
Le livre de Slezkine est à mi-chemin entre le roman et le livre d'histoire. Certains commentateurs l'ont qualifié de « Guerre et Paix » de l'Union Soviétique. A la différence de l'épopée de Tolstoï cependant, on ne suit pas les soubresauts de l'histoire à travers quelques personnages, mais bien en s'immergeant dans les vies, privées et publiques, d'une multitude d'habitants de l'immeuble dont Slezkine a rassemblé la correspondance, les témoignages ou les publications et dont il inclut de larges extraits. Comme dans de nombreux romans russes, le lecteur a un peu de mal avec la succession des patronymes mais cela a très peu d'importance car le propos de l'auteur est de brosser, à travers de multiples portraits, le destin de deux générations. On découvre la première génération, ceux qui ont forgé la Révolution de leurs mains ou de leur esprit, qui ont connu la prison ou l'exil sous le régime du Tsar, période durant laquelle est née une profonde camaraderie. On se marie d'ailleurs souvent entre camarades. En quelques mois, les leaders bolcheviques prennent le pouvoir et distribuent les leviers politiques, économiques et culturels parmi les fidèles de la première heure.
Alors qu'il apparaît peu à peu que la complète réalisation du rêve communiste ne pourra pas s'obtenir immédiatement, les enfants naissent et grandissent et certains doutes apparaissent. Tous les mariages entre camarades ne tiennent pas, mais peu importe, car le mariage n'est-il pas une institution bourgeoise et « philistine ». La famine fait rage dans les campagnes, mais la nouvelle élite n'hésite pas à réclamer l'accès aux datchas d'état, aux cures en Crimée et à leurs quotas de caviar.
Les purges staliniennes de la fin des années 30 secoueront tout ce beau monde, comme un coup de tonnerre dans un ciel serein. Plus d'un tiers de la population de l'immeuble sera touchée par les purges, les accusateurs et les bourreaux d'aujourd'hui prenant vite place sur les bancs des accusés le lendemain. Les coups frappés sur la porte des appartements la nuit ne peuvent signifier qu'une chose : exécutions pour la plupart des hommes, exil pour de nombreuses épouses, placement dans la famille proche ou en institution d'état pour les enfants. Une seconde génération qui n'avait peut-être plus la fièvre révolutionnaire de ses aînés, ayant grandi dans un cocon confortable et pétri de littérature classique, mais qui aura bientôt l'occasion de montrer sa valeur et sa bravoure lors de la Grande Guerre Patriotique qui éclatera en 1941 avec l'Allemagne nazie.

Lien : http://www.lecturesdevoyage...
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